dimanche 3 juillet 2016

L’éducation populaire, du salariat au travail libéré

L’éducation populaire, du salariat au travail libéré

                                                                                                               par Alain Vidal
article paru le 28 février 2013




Dans la revue Résonnances de janvier 2011, l’éducation populaire est présentée comme « une résistance à la marchandisation », « une construction collective de savoirs et de pratiques dans un but d’émancipation individuelle et de transformation sociale. »
Ces deux mots clés, marchandisation, émancipation, auxquels j’adhère, appelle une question: quelle émancipation sans résistance à un salariat qui s’est construit dans le développement d’un marché du travail qui définit  l’homme comme une marchandise ?
 Sur le marché du travail, de l’ouvrier au cadre, chacun, dans l’entretien d’embauche, tente de vendre une force de travail à l’employeur.
Le salariat est régi par le Code du Travail qui définit très exactement le contrat salarié comme un rapport de subordination du salarié envers l’employeur :
« En droit du travail, le lien de subordination caractérise le contrat de travail. Pour la Cour de cassation, le lien de subordination se manifeste par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et  le devoir d’appliquer les dispositions énoncées par le droit du travail et de sanctionner les manquements de son subordonné » 
Quelle émancipation attendre d’un Etat, qui, prétendant garantir les droits fondamentaux (Constitution de 1958), subordonne ces mêmes droits aux intérêts privés des actionnaires. Un Etat qui collabore ouvertement à la course au profit en organisant, par Pôle emploi interposé, la vente et l’achat de forces humaines de travail.
Santé, Ecole, Culture… tous nos droits sont subordonnés à un revenu qui,  pour 92% des actifs, dépend d’un travail salarié…
Toute résistance à la marchandisation exige nécessairement une remise en question du salariat. Sauf à revenir à l’esclavage ou au servage, sans le salariat, pas de marchandisation. Sans travail salarié, pas de prédactionnaires, mais un peuple de producteurs librement associés  dans la démocratie économique, seule garante de nos droits fondamentaux. L’éducation populaire se doit d’afficher clairement son objectif, le passage du travail salarié au travail émancipé. C’est ce que proposaient nos aînés de l’Education populaire à la charnière du XIXème et du XXème siècle.
Mais depuis plus de cent ans, cette revendication a été étouffée par des syndicats, partis et mouvement associatifs réformistes, indignés par les effets du capitalisme, mais résignés sur les causes. Un peuple figé dans le salariat n’a aucun pouvoir pour faire respecter les droits fondamentaux.
Un peuple salarié revendique mais ne décide pas. Sous l’influence du mouvement réformiste, le droit de revendiquer finit par être assimilé au concept de liberté, et la démocratie au droit de manifester…
Le minimum de droits est accordé pour éviter prise de conscience et mobilisation populaires vers un dépassement du capitalisme, pour éviter que le peuple producteur ne devienne souverain dans tous les domaines.
Un peuple salarié n’est pas un peuple émancipé, il est entièrement subordonné aux intérêts privés des grands actionnaires qui gouvernent toutes les productions dont dépendent nos droits fondamentaux.
Le conseil des ministres ne fait qu’appliquer les décisions des grands conseils d’administration du CAC 40 et du MEDEF. Le gouvernement ne contrôle pas les marchés mais l’inverse. Quand un chef d’état va à l’étranger, il n’emmène pas avec lui une délégation de salariés ou de chômeurs en lutte, pour tisser des liens avec leurs camarades étrangers, non, l’avion présidentiel est bourré de grands actionnaires qui espèrent  signer des contrats au nom de leurs intérêts privés.
Tout cela renvoie au concept de marchandise et à la valeur invisible qui la caractérise côté actionnaire, je veux dire la quantité de travail humain nécessaire à sa production.
Autre expression clé « Lire le monde ». Lire  la marchandisation du monde, c’est lire la marchandise, c’est comprendre que le vendeur ne vend pas un objet plus ou moins long, plus ou moins lourd, plus ou moins beau, plus ou moins utile…le vendeur ne vend que le temps de travail salarié cristallisé dans le produit qu’il échange par monnaie interposée contre une autre quantité équivalente de travail salarié donné par l’acheteur.
Ce premier constat pose d’emblée la contradiction d’un capitalisme que nous voulons dépasser ardemment. La contradiction irréductible entre le patron qui n’est intéressé que par la  vente  de travail humain dont il tire profit, et le consommateur qui achète un produit pour son usage, pour son attrait esthétique etc…
D’un côté, le peuple qui veut des objets durables et réparables, de l’autre, des actionnaires qui vendent des objets de plus en plus rapidement jetables, par obsolescence programmée. C’est l’opposition irréductible entre la valeur d’échange et la valeur d’usage.
L’intérêt du peuple, c’est Athènes sans les esclaves…Plus précisément, Athènes avec ces nouveaux esclaves que sont les machines et les robots. Pour que le temps des hommes ainsi économisé soit déversé massivement dans les services publics et non dans des productions de biens et de services à l’usage exclusif des plus riches.  
Contradiction irréductible entre prédateur et producteur, entre ceux accordant la priorité absolue au profit pour se distinguer par le luxe, et ceux  accordant la priorité absolue au progrès social en fonction du niveau technologique.
« Lire le monde », c’est « s’éduquer pour acquérir la science de son malheur » formule chère à Pelloutier, grand animateur des  bourses du travail.
 Science du malheur, science des heures mal utilisées, gaspillées au service de prédateurs, heures mal utilisées, sous forme de tribut, à travailler gratuitement pour l’enrichissement par l’appauvrissement du temps populaire. Chaque heure gaspillée ainsi est une heure perdue pour l’instruction, la production des biens vitaux, en un mot pour l’intérêt général.
« S’éduquer pour acquérir la science de son malheur », la transmettre, pour décortiquer, remettre en question les idées reçues à l’Ecole de Jules Ferry depuis plus de 130 ans. L’Ecole de Jules Ferry, cette école de la soumission au profit.
On retrouve là, l’opposition irréductible entre la leçon de Condorcet, l’instruction du peuple pour son émancipation et celle de Jules Ferry, l’éduquer, le conduire vers le consentement au travail salarié. L’instruction du peuple pour le peuple revendiquée par la Commune en opposition radicale à l’éducation du peuple pour les besoins de la bourgeoisie.
« Lire le monde », pour comprendre que le rapport aux gens est un rapport au temps, un rapport au temps de travail salarié exigé pour l’obtention d’un revenu qui donne accès à plus ou moins de droits.
Rapport aux gens, rapport donc à l’argent créé par les banquiers pour mesurer le temps cristallisé dans les marchandises. Du marché aux esclaves au marché du travail salarié, qu’on soit vendu ou qu’on soit éduqué à se vendre, la  vente et l’achat de forces humaines de travail pour le profit est la préoccupation première du pouvoir politico-bancaire.
Quel espoir d’émancipation dans la subordination qui fonde le rapport du salarié à l’employeur quand on sait qu’on ne devient  émancipé qu’en quittant les oripeaux du « mancipare » (en latin, celui qui se vend pour vivre) ?
« Faire éducation populaire », c’est distinguer les différents statuts du travail productif, du producteur librement associé au salarié, en passant par l’esclave et le serf. C’est, expliquer inlassablement  « l’emploi » qui contraint l’employé à ployer devant l’employeur…
C’est montrer comment une grande association qui militait pour l’éducation du peuple, (la Ligue de l’Enseignement) a fini par applaudir aux lois de Jules Ferry sur « l’éducation », s’alignant ainsi sur l’idéologie du fossoyeur de la Commune.
Un Jules Ferry déclarant huit ans après la Semaine sanglante, à l’époque où il préparait les lois sur l’Ecole, dite publique :
« Il est à craindre que d'autres écoles ne se constituent, ouvertes aux fils d'ouvriers et de paysans, où l'on enseignera des principes totalement opposés, inspirés peut-être d'un idéal socialiste ou communiste emprunté à des temps plus récents, par exemple à cette époque violente et sinistre [la Commune]… comprise entre le 18 mars et le 24 mai 1871… Il y a deux choses dans lesquelles l’Etat enseignant et surveillant ne peut pas être indifférent, c’est la morale et la politique, car en morale et en politique l’Etat est chez lui.»
L’Etat fera ainsi de la politique à l’Ecole, sans contre-pouvoir, en imposant hier comme aujourd’hui, un enseignement de  l’histoire hagiographique qui relève du roman national : le roman des vainqueurs de la Commune.
L’Etat est tellement bien chez lui, que, l’enseignement de l’histoire et de la philosophie délivré aux enseignants d’hier et d’aujourd’hui, servira et sert encore de courroie de transmission à une morale proclamée universelle, mais qui ne tend qu’à préserver les intérêts de la bourgeoisie au pouvoir.
Jules Ferry a jeté les bases d’un catéchisme républicain laïc encensé encore aujourd’hui par la quasi-totalité de l’échiquier politique. Tout écart, tout rééquilibrage critique de cette conception de la morale et de l’histoire sont  considérés comme une atteinte à la neutralité de la fonction publique, comme un manquement à l’obligation de réserve…
 Combien ont élevé  la voix tel un Célestin Freinet ?
L’Education populaire pour « le vivre ensemble », bien sûr, mais pour dépasser  un arsenal juridique, pour dépasser des institutions, qui autorisent une minorité de prédateurs à exploiter le peuple producteur. Non seulement l’exploitation, mais aussi, et de façon croissante, l’exclusion pure et simple, au nom des faillites que les actionnaires provoquent chez leurs concurrents pour s’emparer de nouveaux consommateurs.
Le droit n’est pas la liberté. La liberté, c’est le droit de produire en fonction de l’intérêt général, dans le respect des intérêts privés de chacun  et de celui de la terre nourricière.
           

vendredi 1 juillet 2016

Victor Hugo : le Blanc a fait du Noir un homme....  








Victor Hugo :

le Blanc a fait du Noir un homme" 






Extraits

L’Afrique n’a pas d’histoire.
Cette Afrique farouche n’a que deux aspects: 
peuplée, c’est la barbarie; 
déserte, c’est la sauvagerie.

La question sociale n’a jamais été posée d’une façon si tragique,
 mais la fureur n’est pas une solution. 
Aussi espérons-nous que le vaste souffle du dix-neuvième siècle
 se fera sentir jusque dans ces régions lointaines, 
et substituera à la convulsion belliqueuse la conclusion pacifique.

Versez votre trop-plein dans cette Afrique, 
et du même coup résolvez vos questions sociales,
 changez vos prolétaires en propriétaires.

Le blanc a fait du noir un homme;
au vingtième siècle, l’Europe fera de l’Afrique un monde.

Allez, Peuples! emparez-vous de cette terre.
Prenez-la.
À qui?
 A personne.



Discours sur l’Afrique, par Victor Hugo


Le dimanche 18 mai 1879, un banquet commémoratif de l’abolition de l’esclavage réunissait, chez Bonvalet, cent vingt convives.
Victor Hugo présidait. Il avait à sa droite MM. Schoelcher, l’auteur principal du décret de 1848 abolissant l’esclavage, et Emmanuel Arago, fils du grand savant républicain qui l’a signé comme ministre de la marine; à sa gauche, MM. Crémieux et Jules Simon.
Messieurs,
Je préside, c’est-à-dire j’obéis; le vrai président d’une réunion comme celle-ci, un jour comme celui-ci, ce serait l’homme qui a eu l’immense honneur de prendre la parole au nom de la race humaine blanche pour dire à la race humaine noire: Tu es libre. Cet homme, vous le nommez tous, messieurs, c’est Schoelcher. Si je suis à cette place, c’est lui qui l’a voulu. Je lui ai obéi.
Du reste, une douceur est mêlée à cette obéissance, la douceur de me trouver au milieu de vous. C’est une joie pour moi de pouvoir presser en ce moment les mains de tant d’hommes considérables qui ont laissé un bon souvenir dans la mémorable libération humaine que nous célébrons.
Messieurs, le moment actuel sera compté dans ce siècle. C’est un point d’arrivée, c’est un point de départ. Il a sa physionomie: au nord le despotisme, au sud la liberté; au nord la tempête, au sud l’apaisement.
Quant à nous, puisque nous sommes de simples chercheurs du vrai, puisque nous sommes des songeurs, des écrivains, des philosophes attentifs; puisque nous sommes assemblés ici autour d’une pensée unique, l’amélioration de la race humaine; puisque nous sommes, en un mot, des hommes passionnément occupés de ce grand sujet, l’homme, profitons de notre rencontre, fixons nos yeux vers l’avenir; demandons-nous ce que fera le vingtième siècle. (Mouvement d’attention.)
Politiquement, vous le pressentez, je n’ai pas besoin de vous le dire.
Géographiquement,-permettez que je me borne à cette indication,-la destinée des hommes est au sud.
Le moment est venu de donner au vieux monde cet avertissement: il faut être un nouveau monde. 
Le moment est venu de faire remarquer à l’Europe qu’elle a à côté d’elle l’Afrique. 
Le moment est venu de dire aux quatre nations d’où sort l’histoire moderne, la Grèce, l’Italie, l’Espagne, la France, qu’elles sont toujours là, que leur mission s’est modifiée sans se transformer, qu’elles ont toujours la même situation responsable et souveraine au bord de la Méditerranée, et que, si on leur ajoute un cinquième peuple, celui qui a été entrevu par Virgile et qui s’est montré digne de ce grand regard, l’Angleterre, on a, à peu près, tout l’effort de l’antique genre humain vers le travail, qui est le progrès, et vers l’unité, qui est la vie.
La Méditerranée est un lac de civilisation; ce n’est certes pas pour rien que la Méditerranée a sur l’un de ses bords le vieil univers et sur l’autre l’univers ignoré, c’est-à-dire d’un côté toute la civilisation et de l’autre toute la barbarie.
Le moment est venu de dire à ce groupe illustre de nations: Unissez-vous! allez au sud.
Est-ce que vous ne voyez pas le barrage? Il est là, devant vous, ce bloc de sable et de cendre, ce monceau inerte et passif qui, depuis six mille ans, fait obstacle à la marche universelle, ce monstrueux Cham qui arrête Sem par son énormité,-l’Afrique.
Quelle terre que cette Afrique! L’Asie a son histoire, l’Amérique a son histoire, l’Australie elle-même a son histoire; l’Afrique n’a pas d’histoire.
Une sorte de légende vaste et obscure l’enveloppe. Rome l’a touchée, pour la supprimer; et, quand elle s’est crue délivrée de l’Afrique, Rome a jeté sur cette morte immense une de ces épithètes qui ne se traduisent pas: Africa portentosa(Applaudissements.)
C’est plus et moins que le prodige. C’est ce qui est absolu dans l’horreur. Le flamboiement tropical, en effet, c’est l’Afrique. Il semble que voir l’Afrique, ce soit être aveuglé. Un excès de soleil est un excès de nuit.
Eh bien, cet effroi va disparaître.
Déjà les deux peuples colonisateurs, qui sont deux grands peuples libres, la France et l’Angleterre, ont saisi l’Afrique; la France la tient par l’ouest et par le nord; l’Angleterre la tient par l’est et par le midi.
Voici que l’Italie accepte sa part de ce travail colossal. L’Amérique joint ses efforts aux nôtres; car l’unité des peuples se révèle en tout. L’Afrique importe à l’univers.
Une telle suppression de mouvement et de circulation entrave la vie universelle, et la marche humaine ne peut s’accommoder plus longtemps d’un cinquième du globe paralysé.
De hardis pionniers se s’ont risqués, et, dès leurs premiers pas, ce sol étrange est apparu réel; ces paysages lunaires deviennent des paysages terrestres. La France est prête à y apporter une mer.
Cette Afrique farouche n’a que deux aspects: peuplée, c’est la barbarie; déserte, c’est la sauvagerie; 
 mais elle ne se dérobe plus; les lieux réputés inhabitables sont des climats possibles; on trouve partout des fleuves navigables; des forêts se dressent, de vastes branchages encombrent çà et là l’horizon; quelle sera l’attitude de la civilisation devant cette faune et cette flore inconnues? Des lacs sont aperçus, qui sait? peut-être cette mer Nagaïn dont parle la Bible. De gigantesques appareils hydrauliques sont préparés par la nature et attendent l’homme; on voit les points où germeront des villes; on devine les communications; des chaînes de montagnes se dessinent; des cols, des passages, des détroits sont praticables; cet univers, qui effrayait les Romains, attire les Français.
Remarquez avec quelle majesté les grandes choses s’accomplissent. Les obstacles existent; comme je l’ai dit déjà, ils font leur devoir, qui est de se laisser vaincre. Ce n’est pas sans difficulté.
Au nord, j’y insiste, un mouvement s’opère, le divide ut regnes exécute un colossal effort, les suprêmes phénomènes monarchiques se produisent. L’empire germanique unit contre ce qu’il suppose l’esprit moderne toutes ses forces; l’empire moscovite offre un tableau plus émouvant encore. A l’autorité sans borne résiste quelque chose qui n’a pas non plus de limite; au despotisme omnipotent qui livre des millions d’hommes à l’individu, qui crie: Je veux tout, je prends tout! j’ai tout!–le gouffre fait cette réponse terrible: Nihil. Et aujourd’hui nous assistons à la lutte épouvantable de ce Rien avec ce Tout. (Sensation.)
Spectacle digne de méditation! le néant engendrant le chaos.
La question sociale n’a jamais été posée d’une façon si tragique, mais la fureur n’est pas une solution. Aussi espérons-nous que le vaste souffle du dix-neuvième siècle se fera sentir jusque dans ces régions lointaines, et substituera à la convulsion belliqueuse la conclusion pacifique.
Cependant, si le nord est inquiétant, le midi est rassurant. Au sud, un lien étroit s’accroît et se fortifie entre la France, l’Italie et l’Espagne. C’est au fond le même peuple, et la Grèce s’y rattache, car à l’origine latine se superpose l’origine grecque. Ces nations ont la Méditerranée, et l’Angleterre a trop besoin de la Méditerranée pour se séparer des quatre peuples qui en sont maîtres. Déjà les États-Unis du Sud s’esquissent ébauche évidente des États-Unis d’Europe. (Bravos.)
Nulle haine, nulle violence, nulle colère. C’est la grande marche tranquille vers l’harmonie, la fraternité et la paix.
Aux faits populaires viennent s’ajouter les faits humains; la forme définitive s’entrevoit; le groupe gigantesque se devine; et, pour ne pas sortir des frontières que vous vous tracez à vous-mêmes, pour rester dans l’ordre des choses où il convient que je m’enferme, je me borne, et ce sera mon dernier mot, à constater ce détail, qui n’est qu’un détail, mais qui est immense: 
au dix-neuvième siècle, le blanc a fait du noir un homme; au vingtième siècle, l’Europe fera de l’Afrique un monde. (Applaudissements.)
Refaire une Afrique nouvelle, rendre la vieille Afrique maniable à la civilisation, tel est le problème. L’Europe le résoudra.
Allez, Peuples! emparez-vous de cette terre.
Prenez-la.
À qui? à personne.
Prenez cette terre à Dieu. Dieu donne la terre aux hommes, Dieu offre l’Afrique à l’Europe. Prenez-la. 
Où les rois apporteraient la guerre, apportez la concorde. Prenez-la, non pour le canon, mais pour la charrue; non pour le sabre, mais pour le commerce; non pour la bataille, mais pour l’industrie; non pour la conquête, mais pour la fraternité. (Applaudissements prolongés.)
Versez votre trop-plein dans cette Afrique, et du même coup résolvez vos questions sociales, changez vos prolétaires en propriétaires.
Allez, faites! faites des routes, faites des ports, faites des villes; croissez, cultivez, colonisez, multipliez; et que, sur cette terre, de plus en plus dégagée des prêtres et des princes, l’Esprit divin s’affirme par la paix et l’Esprit humain par la liberté!
Ce discours, constamment couvert d’applaudissements enthousiastes, a été suivi d’une explosion de cris de: Vive Victor Hugo! vive la république!