De l'échec scolaire programmé
par Alain Vidal et Annie Mothes
De
la condamnation à mort de l'esclave sachant lire,
à l’échec
scolaire programmé, de tout temps,
les possédants
ont sévèrement contrôlé l'accès des peuples au savoir.
1-Au 18ème siècle, Bernard
Mandeville, premier théoricien du capitalisme :
« Pour que la société soit heureuse, et le peuple content même de son sort
pénible, il faut que la grande majorité reste aussi ignorante que pauvre, Les
connaissances développent et multiplient nos désirs, et moins un homme désire
plus ses besoins sont faciles à satisfaire. »
Voltaire :
"Un pays bien organisé est celui
où le petit nombre fait travailler le grand nombre, est nourri par lui, et le
gouverne […] Il me paraît essentiel qu’il y ait des gueux ignorants. Ce n’est
pas le manœuvre qu’il faut instruire, c’est le bon bourgeois […] Le bien de la société demande que les connaissances du
peuple ne s’étendent pas plus que ses occupations. »
« Je vous remercie de proscrire
l’étude chez les laboureurs. Moi qui cultive la terre, je vous présente requête
pour avoir des manœuvres et non des clercs tonsurés. Envoyez-moi les frères
ignorantins pour conduire mes charrues et pour les atteler. »
« Qu’il y ait des gueux ignorants.
Si vous faisiez valoir comme moi un terre et si vous aviez des charrues, vous
seriez bien de mon avis […] L’agriculture
manque de bras, on n’a besoin que d’une plume pour deux ou trois cents
bras. »
Vu l’influence de Voltaire, la
Déclaration des droits de l'homme de 1789 est vierge de toute référence au
droit à l'instruction.
2-L’Ecole de Jules
Ferry
Jules Ferry :
« Il est à craindre que d'autres écoles ne
se constituent, ouvertes aux fils d'ouvriers et de paysans, où l'on enseignera
des principes totalement opposés, inspirés peut-être d'un idéal socialiste ou
communiste emprunté à des temps plus récents, par exemple à cette époque
violente et sinistre [la Commune]… comprise entre le 18 mars et le 24
mai 1871[…]
Il y
a deux choses dans lesquelles l’Etat enseignant et surveillant ne peut pas être
indifférent, c’est la morale et la politique, car en morale et en politique
l’Etat est chez lui.»
Paul Bert, ami de
Ferry:
"Il faut que
l'école attire l'enfant, qu'elle soit séduisante, agréable […] Il
faut qu'elle soit ornée, ornementée, parée. Il faut enfin que nous faisions
pour elle ce que nos pères faisaient pour leur église […] Il faut une religion
pour le peuple! une pensée unique, une foi commune pour un peuple, sans quoi il
ne serait qu'une agrégation d'hommes juxtaposés; c'est ce que fera
l'instruction civique. » Une pensée unique, le comble pour
un libre penseur !
Jules Ferry:
«Une véritable
religion de la patrie, une religion qui
n'admet pas de dissidents […] c'est pourquoi l'enseignement de l'histoire
est appelé à jouer un grand rôle éducateur »
Ernest Lavisse, historien fidèle de Ferry le
grand maître de l’université:
« Il ne saurait donc être question
d'enseigner l'histoire avec le calme qui sied à l'enseignement de la règle des
participes; il s'agit ici de la chair de notre chair et du sang de notre sang
[…] ; l'histoire ne s'apprend pas par cœur, mais par le cœur [...] Faisons-leur
aimer nos ancêtres les Gaulois et les forêts des druides, Charles Martel à
Poitiers, Roland à Roncevaux, Jeanne d'Arc, Bayard, tous nos héros du passé,
même enveloppés de légendes […].
Puisque la religion ne sait plus avoir
prise sur les âmes […] cherchons dans l'âme des enfants l'étincelle divine;
animons-là de notre souffle. Les devoirs, il sera d'autant plus aisé de les
faire comprendre que l'imagination des élèves, charmée par des peintures et des
récits, rendra leur raison enfantine plus attentive et plus docile»
Flaubert :
"L'instruction
gratuite et obligatoire n'y fera rien qu'augmenter le nombre des
imbéciles […] Le plus pressé est d'instruire les riches, qui, en somme,
sont les plus forts »
Un système éducatif organisé par ordres.
L’ordre de la Communale gratuite pour le
peuple, l’ordre du secondaire, payant pour les enfants des notables et de la
bourgeoisie, entrant au petit lycée dès l’âge de six ans. Entre ces deux
ordres, un mur de l’argent, un développement séparé de deux jeunesses.
3-Aujourd’hui, tous les enfants vont en 6ème, mais avec des lois interdisant à leurs parents d’accéder tout
au long de leur vie à l’éducation permanente.
Moins bien accompagnés sur le chemin de
l’Ecole par les familles, les enfants
des classes populaires, se retrouvent majoritairement dans un échec scolaire
ainsi sciemment programmé.