dimanche 3 novembre 2019






Le travail en prison en France :
du salariat à l’esclavage
Alain Vidal

Pour les Nations-Unies, en prison, quand le travail conditionne la réduction de peine, ce travail relève de l’esclavage.
Surexploités, comparativement aux salariés embauchés avec un contrat de travail, victimes d’un chantage à la réduction de peine supplémentaire, des femmes, des hommes, en sont réduits au travail forcé, un travail qualifié d’esclavage par l’Organisation Internationale du Travail (Nations Unies) sur la base des conventions internationales de 1930 et 1957.
En France, 75% des détenus sont des Noirs et des Arabes, descendants de colonisés. Pour beaucoup, leurs familles furent soumises au travail forcé jusqu’en 1946, en Algérie, jusqu’en 1962…
Les 75% de descendants de colonisés qui constituent la population carcérale sont en très grande majorité, des chômeurs, ayant vécu pour beaucoup des situations d’échec scolaire. A savoir  que les Noirs et les Arabes ne représentent que  13 % de la population de la France métropolitaine.
Pour Angela Davis, la prison est un système industriel en lien avec l’esclavage

Sur le site officiel du ministère de la justice, on peut lire cette offre qui est faite aux entreprises :
« Les détenus travaillent pour le compte d’entreprises privées qui installent un atelier en prison... Une solution économique, flexibilité et proximité. […] un mode de rémunération basé sur la production réelle et des charges patronales moindres, […] une souplesse et une réactivité qui permettent de mobiliser rapidement un grand nombre d’opérateurs pour répondre aux commandes.
Le programme Entreprendre initié en 2008 vise à communiquer largement sur le travail pénitentiaire, notamment en direction des entreprises. Le Code de procédure pénale indique que les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail entre le détenu et le concessionnaire.
L’administration pénitentiaire fournit gratuitement les locaux industriels adaptés à l’activité. Assure la surveillance et garantit la sécurité. Adapte l’organisation, l’environnement et le temps de travail aux besoins de l’entreprise. »
L’esclavage carcéral, une réponse au chômage
Licenciés, car considérés comme non rentables dans le cadre des obligations patronales qu’exige le Code du travail, en toute « légalité pénitentiaire », des chômeurs devenus détenus, alimentent un gisement de profit très convoité.        
Sans contrat de travail, travaillant à la pièce et à temps plein, pour, en moyenne, 150 € mensuel, le détenu ne relève pas du Code du travail.
Ni SMIC, ni congés payés, ni indemnités en cas d’arrêt de travail pour cause de maladie ou d’accident du travail, ni assurance chômage en cas de perte involontaire d’emploi. Aucune contestation judiciaire n’est possible pour les détenus. Tout contrôle impromptu de l’inspection du travail est interdit…Les entreprises qui emploient cette main-d’œuvre servile, le font par sous-traitants interposés, de peur de perdre leurs clients, si cette surexploitation était rendue publique. Jamais les grands médias n’abordent ce thème, le sujet est tabou.
Au-delà même de l’univers carcéral, les actionnaires en mal d’investissement et de profit, hésitent de moins en moins à utiliser des esclaves en sous-traitance. Ce système constitue une réponse forte à la non rentabilité du chômeur.

Bouygues
« Bouygues a construit le centre pénitentiaire sur ses deniers, 70 millions d’euros, et a chargé sa filiale, Themis FM, de son exploitation.
Les prisons, c’est un marché : 15 millions d’euros de loyer annuel, pendant 27 ans, payé par l’Etat à Bouygues, pour la prison d’Annœullin (Nord).
C’est la petite dernière, 688 places, inaugurée par le ministre de la Justice, Michel Mercier, la semaine dernière. La première «Full PPP», explique ce dernier avec gourmandise, un partenariat public-privé total.
Maintenance des bâtiments, restauration, blanchisserie, et même le transfert des détenus.
L’Etat a gardé ses seules missions régaliennes, la surveillance et la réinsertion. »
Libération
22.40 € brut mensuel de retraite  pour 21 ans de travail
« Les détenus, enfin, ne touchent rien en cas d’arrêt maladie – alors qu’ils cotisent – rien en période de chômage, et n’ont quasiment pas de retraite. Un détenu de 62 ans qui a travaillé vingt et un ans à la distribution des repas s’est vu assurer une retraite de 22.40 euros brut par mois.
Les personnes détenues sont privées purement et simplement de l’intégralité des droits constitutionnels protégés par le préambule de la Constitution de 1946.»
Le  Monde

En France : 50 prisons privées pour 197 établissements pénitentiaires
« Dans ces établissements à gestion déléguée, ce sont donc des groupements privés qui proposent du travail aux personnes détenues qui en font la demande : service général ou production en ateliers.
Les groupements privés sont amenés à proposer des contrats de sous-traitance à des entreprises dans les établissements dont ils ont la charge. »
 « Le Travail en prison. Enquête sur le business carcéral »

Dans les familles descendant de colonisés soumis au racisme, discriminés dans le travail et le logement, les enfants sont fortement frappés par l’échec scolaire, une fois adultes confrontés au chômage, par manque de revenus ils représentent un terreau de prédilection pour la petite délinquance.
Angela Davis :
« A travers le monde, le racisme s’est imbriqué avec les pratiques d’emprisonnement […] un nombre disproportionné de personnes de couleur et de personnes du Sud mondialisé, sont incarcérées dans des maisons d’arrêt ou des prisons. »


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