Le travail en prison en France :
du salariat à l’esclavage
Alain Vidal
Pour les Nations-Unies, en prison, quand le
travail conditionne la réduction de peine, ce travail relève de l’esclavage.
Surexploités, comparativement
aux salariés embauchés avec un contrat de travail, victimes d’un chantage
à la réduction de peine supplémentaire, des femmes, des hommes, en sont réduits
au travail forcé, un travail qualifié d’esclavage par l’Organisation
Internationale du Travail (Nations Unies) sur la base des conventions
internationales de 1930 et 1957.
En France, 75% des détenus sont des
Noirs et des Arabes, descendants de colonisés. Pour beaucoup, leurs familles furent
soumises au travail forcé jusqu’en 1946, en Algérie, jusqu’en 1962…
Les 75% de descendants de colonisés qui
constituent la population carcérale sont en très grande majorité, des chômeurs,
ayant vécu pour beaucoup des situations d’échec scolaire. A savoir que
les Noirs et les Arabes ne représentent que 13 % de la population de la France
métropolitaine.
Pour Angela Davis, la prison est un
système industriel en lien avec l’esclavage
Sur le site
officiel du ministère de la justice, on peut lire cette offre qui est
faite aux entreprises :
« Les détenus
travaillent pour le compte d’entreprises privées qui installent un atelier en
prison... Une solution économique, flexibilité et proximité. […] un mode de rémunération basé sur la production réelle
et des charges patronales moindres, […] une souplesse et une réactivité qui
permettent de mobiliser rapidement un grand nombre d’opérateurs pour répondre
aux commandes.
Le programme
Entreprendre initié en 2008 vise à
communiquer largement sur le travail pénitentiaire, notamment en direction des
entreprises. Le Code de procédure pénale indique que les relations
de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de
travail entre le détenu et le concessionnaire.
L’administration
pénitentiaire fournit gratuitement les
locaux industriels adaptés à l’activité. Assure la surveillance et garantit la
sécurité. Adapte l’organisation, l’environnement et le temps de travail aux
besoins de l’entreprise. »
L’esclavage
carcéral, une réponse au chômage
Licenciés, car considérés
comme non rentables dans le cadre des obligations patronales qu’exige le Code
du travail, en toute « légalité pénitentiaire », des
chômeurs devenus détenus, alimentent un gisement de profit très
convoité.
Sans contrat de travail,
travaillant à la pièce et à temps plein, pour, en moyenne, 150 € mensuel, le
détenu ne relève pas du Code du travail.
Ni SMIC, ni congés payés,
ni indemnités en cas d’arrêt de travail pour cause de maladie ou d’accident du
travail, ni assurance chômage en cas de perte involontaire d’emploi. Aucune
contestation judiciaire n’est possible pour les détenus. Tout contrôle
impromptu de l’inspection du travail est interdit…Les entreprises qui emploient
cette main-d’œuvre servile, le font par sous-traitants interposés, de peur de
perdre leurs clients, si cette surexploitation était rendue publique. Jamais
les grands médias n’abordent ce thème, le sujet est tabou.
Au-delà même de l’univers
carcéral, les actionnaires
en mal d’investissement et de profit, hésitent de moins en moins à utiliser des
esclaves en sous-traitance. Ce système constitue une réponse forte à la non
rentabilité du chômeur.
Bouygues
« Bouygues a construit le centre
pénitentiaire sur ses deniers, 70 millions d’euros, et a chargé sa
filiale, Themis FM, de son exploitation.
Les prisons, c’est un marché :
15 millions d’euros de loyer annuel, pendant 27 ans, payé par l’Etat à Bouygues,
pour la prison d’Annœullin (Nord).
C’est la petite dernière, 688 places,
inaugurée par le ministre de la Justice, Michel Mercier, la semaine dernière.
La première «Full PPP», explique ce dernier avec gourmandise, un
partenariat public-privé total.
Maintenance des bâtiments, restauration,
blanchisserie, et même le transfert des détenus.
L’Etat a gardé ses seules missions
régaliennes, la surveillance et la réinsertion. »
Libération
22.40 € brut mensuel de retraite pour 21 ans de travail
« Les
détenus, enfin, ne touchent rien en cas d’arrêt maladie – alors qu’ils cotisent
– rien en période de chômage, et n’ont quasiment pas de retraite. Un détenu de
62 ans qui a travaillé vingt et un ans à la distribution des repas s’est
vu assurer une retraite de 22.40 euros brut par mois.
Les personnes détenues sont privées purement et
simplement de l’intégralité des droits constitutionnels protégés par le
préambule de la Constitution de 1946.»
Le Monde
En France : 50 prisons privées pour 197 établissements
pénitentiaires
« Dans ces
établissements à gestion déléguée, ce sont donc des groupements privés qui
proposent du travail aux personnes détenues qui en font la demande : service
général ou production en ateliers.
Les groupements privés
sont amenés à proposer des contrats de sous-traitance à des entreprises dans
les établissements dont ils ont la charge. »
« Le
Travail en prison. Enquête sur le business carcéral »
Dans
les familles descendant de colonisés soumis au racisme, discriminés dans le
travail et le logement, les enfants sont fortement frappés par l’échec
scolaire, une fois adultes confrontés au chômage, par manque de revenus ils
représentent un terreau de prédilection pour la petite délinquance.
Angela
Davis :
« A
travers le monde, le racisme s’est imbriqué avec les pratiques d’emprisonnement
[…] un nombre disproportionné de personnes de couleur et de personnes du Sud
mondialisé, sont incarcérées dans des maisons d’arrêt ou des prisons. »
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