DE L’OCCUPATION MILITAIRE
A L’OCCUPATION MONETAIRE
ERNEST BARREAU
80 ANS DE RESISTANCE AU CAPITALISME
par Alain Vidal
Ernest au maquis, deuxième à partir de la droite.
Son frère est derrière
lui.
2022, Ernest, dans sa centième année
« A la santé planétaire ! »
le dernier pour la route…
En 1942, travaillant au mur de l’Atlantique, tu voles des explosifs pour les maquisards. Arrêté par la Gestapo, on perquisitionne chez toi à Rouans. Malin, tu avais caché les explosifs dans une double cloison. Déterminé à rejoindre la résistance armée, tu rejoins le maquis de la forêt de Princé dans le pays de Retz.
Jusqu’à ta mort dans ta
centième année, tu as lutté pour faire connaître l’urgence d’une monnaie de
paix créée, non sur le malheur des autres et la destruction des écosystèmes,
mais sur l’égale répartition des richesses que la planète offre gratuitement à
tout un chacun.
Pourchassé par les
nazis, Brecht (écrivain et metteur en scène anticapitaliste),
écrit:
« La dictature n’est pas
le contraire de la démocratie, mais son évolution en temps de crise ».
Comme lui, tu savais que la défaite des nazis n’arrêterait en aucune façon, la guerre économique et son cortège d’inégalités instituées. Sans relâche, tu as fait un formidable travail d’éducation populaire. Expliquant la nature et le rôle d’une monnaie au service de l’enrichissement des uns par l’appauvrissement du grand nombre.
Une monnaie qui mesure
le surtravail forcé inhérent au salariat, à l’esclavage et au servage. Sans ce
tribut au vainqueur, ni temples, ni palais ni château féodal, ni hôtels
particuliers, ni jets privés, ni rivières de diamants…
Le salarié n’est pas un
travailleur libre. Certes il a des droits que n’ont pas les serfs et les
esclaves, sauf qu’au-delà des heures correspondant au salaire, la grande
majorité du temps effectué dans l’entreprise, l’est gratuitement. Cette
survaleur générée par le surtravail, l’employeur l’utilise pour les dépenses de
fonctionnement, mais aussi pour le versement des dividendes aux actionnaires.
Offrande aux dieux,
dette, profit, corvée, dîme ecclésiastique, péage, dividende impôt, cotisation,
amende…depuis l’antiquité, sous des appellations multiples et variées
banalisées par la culture dominante et les grands médias, ce concept perdure.
Depuis le premier Etat de l’Antiquité, autant de temps perdu à tout jamais pour
l’intérêt général.
Autant de prélèvements
forcés, de ces contributions épuisant les sols et les hommes. A savoir que le
mot contribution de connotation positive et citoyenne a pour racine «
tribut », cette charge imposée par les dominants !
En 1932, tu as 10
ans. Depuis longtemps déjà, dans les usines et dans les champs, le
labeur des travailleurs ne cesse de diminuer.
Un ouvrier à lui seul,
produit autant que plusieurs centaines, au 19ème siècle.
Machine à vapeur 1930
Les patrons pour
conquérir des marchés en vendant moins cher, remplacent les travailleurs par
des machines. Le nombre des chômeurs grossit : moins d’argent, moins d’achats,
les invendus s’accumulent. Pour maintenir les profits, l’Etat et le patronat
décident de réduire l’offre en ordonnant la destruction des invendus.
Tes parents, comme
beaucoup, sont stupéfaits. Les gouvernements édictent des lois décrétant
l’abattage de millions de veaux, de vaches, de cochons, de chèvres et de
moutons…
Le lait invendu est répandu dans les champs et les égouts...
Les récoltes sont brûlées. Le monde marche la tête à l’envers. Les gens manquent d’argent alors qu’agriculteurs et industriels en reçoivent pour réduire leurs productions. En France, le ministre de la Marine Marchande, exige que les mailles des filets de pêche soient suffisamment grandes pour que le poisson puisse s'échapper ! Quand cela ne suffit pas, les bateaux sont interdits de sortie un ou deux jours par semaine. Au Brésil, les locomotives roulent aux grains de café !
En Roumanie, on ira jusqu’à interdire l'emploi de machines agricoles, et on ressortira la faux et la faucille. Les récoltes contenant davantage de surtravail, seront de nouveau considérées vendables avec profit.
La « Marche des ventres creux contre la faim ».
Partout dans le monde les sans revenus manifestent. Les files s’allongent
devant les soupes populaires. On meurt prématurément de malnutrition.
Région parisienne, « Du travail et du pain », c'est à ce cri
que défilent les milliers de chômeurs manifestant le 10 décembre
1932. De la banlieue, les « Sans travail » dès 7
heures convergent vers Paris.
Le 27 juin 1933, l’année
de tes 11 ans, près d’un millier d’ouvriers de Loire-Atlantique partent de
Saint-Nazaire pour rejoindre Nantes dans le cadre d’une marche contre le chômage
et la misère.
Le cortège est
accompagné de cuisines roulantes, de camions d'approvisionnement. On passe la
nuit à la belle étoile, et au petit matin, à Nantes, au vélodrome du
Petit-Breton, 10 000 personnes acclament les marcheurs. Encadrés par des
directions syndicales et des partis réformistes, les travailleurs ne sont pas
en mesure de réclamer un revenu aligné sur le travail des machines. En état de
choc, les « ventres creux » finiront par accepter de
surtravailler plutôt que de mendier ou de dormir dehors. Bien
que surtravailler pour survivre ne soit pas travailler pour vivre…
Ton certificat d’études
en poche, tu deviens apprenti dans un garage du Pellerin.
Plus grand, en suivant des cours par correspondance, tu seras chef de
chantier.
Mais la vie devient plus
difficile avec un crise qualifiée faussement d’«économique.» Les
gens ont faim.
Mais de cela, l’Etat et
le grand patronat n’en n’ont cure. Le chômage, conjugué à l’interdiction de
distribuer, nourriture, vêtements, médicaments, destinés à la destruction…
constitue un odieux chantage pour forcer les travailleurs à reprendre le chemin
des usines et des champs, avec des salaires au rabais.
Une vraie crise
économique, c’est, lorsque pour des raisons extérieures aux activités humaines,
on manque cruellement de produits vitaux.
Et pendant ce temps…le
grand patronat français fait des affaires avec l’Allemagne !
Alors qu’Hitler se fait
toujours plus menaçant...alors que le nombre de chômeurs et de bas revenus
augmentent dramatiquement, que les sans-abris se font plus nombreux.
En 1933, l’arrivée
d’Hitler au pouvoir ne calme pas les ardeurs. Banquiers et financiers
prétendant que les caisses sont vides quand il s’agit de répondre à la détresse
populaire, n’hésitent pas à placer leurs capitaux en Allemagne où les
investissements sont très rentables. Et pour cause, avec Hitler, pas de
manifestations, pas de grèves, les salaires revus à la baisse, les profits en
hausse, les grands patronats, allemand et français, se frottent les mains. Les
affaires vont bon train !
Dans tous les domaines
(chimie, sidérurgie, métallurgie, automobile, aéronautique, pétrole,
charbonnages, textiles, minerai de fer, bauxite…), en toute conscience, les
affairistes collaborent au réarmement de l'Allemagne hitlérienne. François de
Wendel le président du Comité des Forges, sera à l’origine d’un cartel
international de l’acier qui attribue 40% des parts à l’Allemagne.
Opposant
l’irresponsabilité des travailleurs français, à l’esprit civique du peuple
allemand, réduit au silence par la terreur, De Wendel, dans son journal Le
Messin, en juin 1936, écrira :
« Il existe près de
nous, une Allemagne dont l'esprit civique mérite d'être signalé. Il en va de
même pour l'Italie. »
Plutôt que de lutter
contre le réarmement de l’Allemagne nazie, le grand patronat préfère lutter
contre l’ennemi intérieur, contre « ces salopards en casquette » du
Front populaire réclamant des congés payés, la semaine de quarante heures et
des augmentations de salaires. Des patrons en appellent à des groupes fascistes
briseurs de grève.
« Plutôt Hitler que le
Front Populaire »
Ce mot d’ordre, on
l’entend dans les manifestations de droite et d’extrême droite, dans de
quartiers chics, dans les palaces.
Devant l'antifascisme
affiché de la population, les grands industriels français prennent des
précautions. Ils multiplient les contacts avec les groupes industriels nazis,
par l'intermédiaire de sociétés écrans suisses ou hollandaises. La Banque de
France et le comité des Forges (le Medef de l'époque) sont les
grands artisans de l'esprit de Munich, de la démission face à
Hitler. De Wendel ne cache pas son admiration pour Mussolini. Il ira
jusqu’à financer le mouvement fasciste des Jeunesses patriotes.
Véritable roi de France,
le patron des patrons cumule la présidence du puissant Comité des forges, et la
Régence de la Banque de France. Avec le Comité des Houillères, ce trio
décisionnaire pèse de tout son poids sur l’entrée en guerre et la conduite du
conflit.
En 1938, la Compagnie
Française des Pétroles se positionne pour une coopération étroite avec
le Reich. La Banque de France sera partie prenante d’une société
franco-allemande pour assurer l’envoi de matières premières stratégiques au
Reich. En février 1939, à la Chambre des Députés, moins de 7 mois avant la
déclaration de guerre, la Chambre de Commerce de Paris fondait
un «Centre économique franco-allemand » !
Quand les dictateurs sauvent le grand patronat
Historiquement, les grands patrons sont les employeurs d’apprentis dictateurs.
Ernest, en 1922, l’année de ta naissance dans une famille ouvrière, Mussolini, prend le pouvoir. Plus grande fortune d’Italie, Agnelli finançait le parti fasciste depuis 1914. A Turin, le 22 août 1917, spontanément, les travailleurs et travailleuses croisent les bras contre la guerre déclenchée par le grand patronat européen.
Une semaine plus tard,
la violente répression de la police (50 morts parmi les grévistes, et plus de
1000 arrestations) met fin aux protestations. En 1920, un mouvement
d’occupation des usines s’étend aux entreprises des principales villes
d’Italie. Les Faisceaux italiens de combat de Mussolini, affrontent les
travailleurs. La grève générale est brisée. D’autant plus facilement que les
directions réformistes des syndicats et partis de gauche, voyant leur pouvoir
sur les travailleurs, s’échapper, s’empressent de signer un accord avec le
patronat.
Usine Fiat, Agnelli et Mussolini
Quand Churchill félicitait Mussolini
Les fascistes figurent en octobre 1920 sur les listes électorales du « bloc constitutionnel » formé par les partis de gouvernement.
A la tête d’une armée de 50 000 militants armés, Mussolini marche sur Rome.
1922, Ernest, l’année de
ta naissance, le fascisme s’installe en Italie. Pour le patronat, c’est le
pactole. L’empire d’Agnelli s’étendra aux tracteurs, au chemin de fer, aux
navires, et aux avions... Il rachètera la Juventus de Turin, créera
sa propre banque. L’armement restera le secteur le plus lucratif. Et pour
cause, les armes sont achetées par l’Etat avec les impôts qui écrasent les
masses populaires.
En 1926, Churchill se
rend à Rome pour féliciter Mussolini. A la sortie de l’entrevue, il
déclare:
« Je n'ai pu
m'empêcher d'être charmé … par la douceur et la simplicité du signor Mussolini
[…] il ne pensait qu'au bien du peuple italien […] Si j'avais été Italien, je
suis sûr que j'aurais été de tout cœur avec vous […] votre mouvement
a rendu un service au monde entier. […] L'Italie a montré qu'il existe un moyen
de combattre les forces subversives qui peuvent entraîner la masse du peuple»
Effectivement, par la
dictature, Mussolini avait préservé les patrons de toute opposition ouvrière,
leur permettant de faire des profits sans problème. Hitler, lui aussi, fut
financé par le baron von Thyssen, la plus grande fortune d’Allemagne. À la dénazification, il reconnaît son implication dans la montée du
nazisme et verse une indemnité aux victimes de la guerre. Il émigre en 1950 à Buenos Aires où il meurt, sans être nullement inquiété !
Les nazis aboliront les
syndicats, comme les fascistes italiens l'avaient fait auparavant. La masse
salariale baisse de 64% à 57% du revenu national. Et du fait de la hausse des
impôts sur le revenu, la consommation baissera plus encore. Le traitement de
choc infligé au peuple allemand fit que de 5 millions de chômeurs en 1932,
l'Allemagne nazie n'en comptera plus que 400 000 en 1938. Hier comme
aujourd’hui, l’important pour le patronat, ce n’est pas les conditions de vie
des travailleurs, c’est qu’ils aient la force de retourner à l’usine le
lendemain.
En Europe comme en
Espagne avec Franco, en Amérique Latine, avec Pinochet… Mussolini et Churchill,
son admirateur, feront des adeptes, chaque fois que l’économie de marché et sa
monnaie d’apartheid seront menacées.
En 1945, à 22 ans tu découvres Jacques Duboin, fondateur du distributisme.
Enthousiaste, tu
t’inscriras dans cette dynamique jusqu’à ta centième année.
Ancien secrétaire
militaire de Clémenceau, ancien ministre (sous-secrétaire d’Etat au Trésor),
ancien banquier, député, Duboin connaissait parfaitement les rouages du
capitalisme. Analysant la tragédie de 1929, il explique que cette crise n’en
est pas une.
Jetant aux orties ses
habits de haut fonctionnaire, il critique sévèrement la théorie du «
doux commerce » professé par Montesquieu, selon laquelle les échanges commerciaux entre pays favoriseraient la bonne entente politique et réduiraient le risque de guerre, est une farce. Nous l’avons vu plus haut, les années précédant les
deux guerres mondiales, la France et l’Allemagne commerçaient intensément !
La technique permet de
produire une quantité croissante de marchandises avec un nombre décroissant de
travailleurs
Jacques Duboin:
« Aujourd’hui… le droit aux produits et aux services doit êtrelibéré … du travail fourni, car celui-ci, conjugué avec l’outillage moderne, a maintenant un rendement hors de proportion avec l’effort humain encore nécessaire…Tous les hommes, enfin libérés de la plus grosse part de leur labeur, pourront jouir pleinement de l’existence, car ils ne sont pas mis au monde pour travailler, mais ils travaillent pour vivre.»
Le chômage, conséquence
du progrès scientifique et technique est une bonne nouvelle. Le temps devenu
inutile dans l’agriculture et l’industrie devrait être déversé dans le
tertiaire : recherche, santé, enseignement, transport, sport, loisirs
émancipateurs…
1929 révèle
magistralement la contradiction fondamentale entre capacité de production et
capacité de consommation ! Contradiction causée par une consommation se faisant
au moyen d’une monnaie alignée sur le travail humain et non sur celui des
machines et des écosystèmes.
Début 20ème siècle,
grâce aux machines, la productivité s’envole. Dans les champs, même constat. En
1929, on était au seuil d’une nouvelle société, le travail humain devenant de
moins en moins nécessaire, la morale aurait voulu que l’on légalise la
distribution systématique des stocks d’invendus. Il aurait fallu reconnaître
qu’un revenu aligné sur le travail représentait une aberration, pire un
crime.
Dans le monde entier,
les gouvernants pour défendre profits et dividendes donnent l’ordre de détruire
les montagnes d’invendus qui s’accumulent.
L’inutilité croissante
du travail humain dans l’industrie et l’agriculture aurait dû être accueillie
avec joie par les grands décideurs se proclamant démagogiquement défenseurs des
Droits de l’Homme. D’ailleurs, l’économiste Joan Robinson écrira, « Si
la poursuite du profit, est le critère d’un comportement approprié, il n’est
pas possible de distinguer l’activité de production et le vol ». Et
le gangster Al Capone de confirmer :
« Le capitalisme est le racket légitime organisé par la classe dominante ».
Dans son livre, « La grande relève des hommes par la machine », Duboin s’insurge :
« Les destructions
volontaires de produits ont pour objet de provoquer artificiellement la rareté
et augmenter ainsi la valeur indispensable aux échanges (…) n’est-ce pas une
honte de la maintenir quand tout existe pour la supprimer ? »
Obstinés, les patrons
continueront de produire en fonction du seul temps de travail rentable alors
que temps ne nous nourrit pas, ni ne nous loge, ni ne nous transporte…Les
consommateurs estiment leurs achats en fonction des quantités exprimées en kg
ou en litre.
On a là un attelage contre nature, un cheval tirant dans un sens et l’autre dans le sens contraire. Profits et dividendes baissent dangereusement avec la fuite du surtravail. Les prix baissent, tant mieux pour les consommateurs, mais un désastre pour les grands décideurs qui s’effraient de voir leurs revenus baisser.
Effectivement,
le marché ne concerne que les humains.
Les décideurs peuvent
soumettre les salariés au chantage du chômage pour les forcer à sur-travailler
davantage. Impossible de faire travailler une machine, au-delà de son
entretien.
Les productions purement
machine étant gratuites, il faut produire en très grandes quantités pour
compenser la baisse du profit par unité de marchandise. D’où le développement
du consumérisme par la publicité et l’obsolescence programmée aux USA bien
avant la deuxième guerre mondiale.
Producteurs et
consommateurs déchirés par deux projets antagoniques, avec la hausse de la
productivité qu’exige la concurrence, sont confrontés à toujours plus de
conflits entre humains, mais aussi dans nos rapports dangereusement
déséquilibrés avec les écosystèmes.
Le désir de puissance
des uns, s’accompagne d’un cortège de violences jamais égalées depuis l’arrivée
des premiers hommes. 1929, non pas une crise, mais un crime.
Jacques Duboin dénonce l’imposture de ces « experts » qui condamnent l’humanité à la « rareté » :
Les pauvres leur sont nécessaires (…) les hommes, au lieu de lutter contre la rareté des choses utiles (…) commencèrent à s’organiser pour lutter contre l’abondance, car celle-ci tue leurs profits (…) Créer des richesses dont les hommes ont besoin et les détruire ensuite, c’est toucher le fond de la bêtise humaine »
Tant que les privilégiés s’enrichissent tout va bien, jamais ils ne décrètent la crise alors que beaucoup de subalternes ont du mal à boucler leurs fins de mois
En 1935, Jacques Duboin
crée l’association Le Mouvement français pour l’Abondance ainsi
qu’une revue, La Grande Relève des hommes par la science.
Le distributisme exercera une influence non négligeable sur les jeunes
consciences de son temps.
Ernest, Georges Brassens
que tu appréciais tant, recommandera sur Europe 1, la lecture du discours de
Jean Rostand, tenu le 15 novembre 1968, à la Mutualité de Paris. Une
intervention faisant l’éloge de Jacques Duboin.
Georges Brassens
Ernest, tu aimais
rappeler ton militantisme dans une association qui comptait entre autres, des
pionniers de l’écologie comme René Dumont ainsi que des scientifiques de renom
comme Jean Rostand de l’Académie française,
biologiste, historien des sciences, Henri Laborit, médecin, chirurgien, neurobiologiste, spécialiste du comportement humain, des chercheurs bousculant
courageusement dogmes et croyances fausses.
Henri Laborit
Abattant les frontières
entre les disciplines, dans une pensée globale, les travaux de Laborit ont
ouvert la voie aux neurosciences. Magistralement, il a mis en évidence le monde
de la matière et le monde de l’immatériel.
Le monde de la
production d’objets physiques obtenus par transformation de matières premières
et d’énergies, c’est-àdire, le monde de l’économie. Et celui de la non
économie, de la non dépense, le monde la création ex nihilo de l’information
sans transformation aucune du stock initial.
Le fonctionnement
normal du cerveau humain dans un organisme en bonne santé, permet de comprendre
l’aberration des fondements de l’économie de marché : «
La structure des sociétés humaines est essentiellement la résultante, à un
niveau d’organisation plus élevé, de la structure biologique des éléments
individuels qui les constituent ».
Philosophe, alliant
réflexion et tâtonnement expérimental, ce chercheur démontrera l’imposture de
la supériorité du travail intellectuel sur le travail manuel.
« Le cerveau
informe, la main transforme »
Laborit établit un
parallèle entre le corps humain et le corps social, grand corps biologique par
excellence.
L’inventeur conçoit une machine,
des ouvriers la construisent en suivant ses instructions.
Deux statuts différents
fonctionnellement parlant, mais interdépendants et donc absolument
complémentaires. En aucun cas l’inventeur ne devrait exiger un droit de péage à
la fabrication et l’utilisation d’une invention qui repose sur l’héritage
commun de millions d’années de savoir et savoir-faire non brevetés.
Le chercheur n’est ni
supérieur, ni inférieur, tout simplement coopérateur !
La paléoanthropologie
nous l’apprend : sans la libre circulation des savoirs et savoir-faire, jamais n’aurait
émergé le cerveau sapiens. James Watt, dans l’invention de la machine à vapeur,
en truffant la moindre de ses trouvailles de brevets a interdit à de jeunes
ingénieurs de l’étudier en vue de l’améliorer. C’est ainsi que la conception de
la première locomotive, fut retardée de plusieurs dizaines d’années.
L’information, sans
dépense de matières, relevant de la gratuité, est utilisable par un nombre
illimité de gens dans le temps et dans l’espace, sans aucun risque de pénurie.
Assumant des fonctions indispensables, mais de natures différentes, le cerveau
et la main fonctionnent dans une complémentarité excluant tout
échangeabilité.
Ernest, toi qui n’as
cessé de battre en brèche les idées reçues, tu étais comblé lorsque Laborit
démontrait scientifiquement que les phénomènes de domination prennent leur
source dans l’activité du cerveau reptilien. Le plus primitif de nos trois
cerveaux, car étant le siège des comportements instinctifs. Jusqu’à leur mort,
bien audelà de la satisfaction maximum de leurs besoins fondamentaux, les
ultrariches, dans la concurrence qui les oppose entre eux, recherchent à se
hisser toujours plus haut. Leurs possessions mobilières et financières
représentent le code génétique de la comparaison ostentatoire qui définit leur
place dans la pyramide sociale. A un journaliste qui lui demandait pourquoi il
ne donnait pas une partie de sa fortune à des organisations humanitaires, le
milliardaire Ted Turner répondit que cela lui était impossible, par peur de
reculer dans le classement mondial.
Les banquiers ont l’art
de transformer le gratuit en payant
Les revenus secteur
bancaire comme tous ceux des services (mondialement 65% des
individus, en France, 90%), du manutentionnaire au milliardaire, proviennent
des travailleurs de l’industrie et de l’agriculture, les seuls à produire des
valeurs marchandes. Adam Smith, maître à penser de tous les grands décideurs
depuis plus de 200 ans le démontre fort logiquement. Sauf que les gouvernants et
économistes orthodoxes, admirateurs de l’auteur de La richesse des
nations, se gardent bien d'en parler, le sujet est tabou !
Les travaux de Laborit
sur l’information nous aident à comprendre les dangers d’une monnaie faussement
considérée comme une marchandise :
« L'information
n'est qu'information. Elle n'est ni masse ni énergie, bien que n'existant pas
sans elles. »
La monnaie indique un
prix comme la balance, une masse. La monnaie est créée ex nihilo. La création
monétaire ne relève pas d’une industrie mais du secteur tertiaire, celui des
services. Pourquoi prendre des intérêts sur un service relevant de la gratuité,
de la non économie ?
Par le crédit, le
banquier ne transmet qu’une information, des chiffres et des lettres sur papier
ou fichier informatisé. Une campagne de constat d’huissier prouverait que les
intérêts sur la création monétaire sont illégitimes.
On ne donne pas une information, on la transmet tout en en conservant
l’usage.
Par contre, on ne
transmet pas une orange, on la donne ou on la mange. L’échange d’un service,
contre une valeur marchande relève du vol en bande organisée.
Au-delà d’enrichir les
banquiers, la dette agit comme un fouet entretenant le surtravail, pareille aux
effets de l’obsolescence et la publicité…
La Terre n’a pas de
compte en banque, pourquoi acheter ce qui n’est pas vendu ?
La création monétaire
doit se faire en fonction des richesses que la Terre, gratuitement, offre à
tous. D’autant que tout financement est une atteinte à la santé planétaire
(santé publique et santé des écosystèmes).
Pour preuve, à quelques
années de distance, la concurrence allant de pair avec la productivité, on
constate que pour une même valeur marchande, pour un même prix, l’empreinte
carbone augmente sans cesse. Ecologiquement parlant, les scientifiques
constatent que l’on vit à crédit sur la biocapacité de l’année suivante.
La pollution n’a pas de
frontières, écoutons la Terre, pas les actionnaires
La pollution augmente
avec les revenus. Plus on consomme, plus on pollue. Les 10 % les plus fortunés
de la planète sont responsables de 50% des émissions carbone. Les 63
milliardaires français possèdent au total un patrimoine financier
équivalent à l’émission 152 millions de tonnes de tonnes CO2 en une année. Le
seul Bernard Arnault, rien que pour son yacht, 16 000 tonnes de CO2 par an…
L’empreinte carbone
génère : déforestation, pollution, crise climatique, montée des eaux, sécheresse,
incendies, virus, pandémie…
Dioxyde de carbone
(maladies cardiovasculaires, diabète, obésité, cancers…) est la première cause
de mortalité. L’inégalité des revenus pollue et tue : 100 000 victimes en
France, 9 millions dans le monde chaque année. Les conflits armés, quelques
centaines de milliers…
Pas de santé planétaire
sans l’égalité des revenus. Un revenu calculé par les chercheurs en science de
la Vie et de la Terre, dont le montant s’élèverait à 1,7 hectares de surface
bio productive planétaire. Pour une neutralité carbone de 2 tonnes. Revenu
alimenté par une monnaie non circulante détruite dès l’accès au produit,
interdisant toute conduite contraire à l’intérêt général.
Quand « la
liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres », les produits
toxiques circulant librement à la surface de la planète, le Vivre ensemble nous
commande de réguler mondialement nos rapports de voisinage.
Pour en arriver à ce
niveau de conscientisation, encore faut-il réaliser à quel point l’opinion
publique est manipulée afin que nous consentions aux projets des dominants.
Encore faut-il se
référer à la genèse des cabinets d’experts et leur rôle prépondérant dans les
communications commerciales et politiques d’aujourd’hui.
Il a une centaine d’années,
récupérant les travaux de son oncle Sigmund Freud, Edward Bernays prétendra
qu’électeurs et consommateurs "n’ont pas besoin de ce qu’ils désirent
et ne désirent pas ce dont ils ont besoin".
Rappelant que les élites «
gouvernent en vertu de leur autorité naturelle, de leur capacité à formuler les
idées dont nous avons besoin », on se doit de « dompter cette
grande bête hagarde qui s’appelle le peuple … à laquelle il faut fournir une
illusion… ».
Exploitant
l’inconscient, il ciblera les émotions siégeant dans le cerveau reptilien
archaïque des foules.
Premier grand théoricien
des relations publiques, il développera « la fabrique du consentement
» au marché et aux gouvernements, conseillant « d’enrégimenter
l'opinion publique…comme si [on voulait] lui vendre des tubes
de dentifrice ».
Il aida également la CIA
dans une opération réussie de renversement d’un gouvernement qui s’opposait à
l’exploitation du pays par des multinationales.
Dès l’antiquité, un pharaon, face à la révolte des « gilets jaunes » de l’époque, conseillait son fils pour conserver le pouvoir :
« Sois un artiste de la parole, pour
devenir fort, car la langue, c'est une épée pour un roi, la parole est bien
plus puissante qu'aucun combat. Rien ne surprend celui qui est intelligent
».
A cette manipulation qui
joue un rôle si important dans nos sociétés dites « démocratiques
», Laborit réplique :
« Toute occultation de l’information au profit des leaders, [aboutit à] une pseudodémocratie ou à un système bureaucratique […] Le système nerveux n’est pas la « classe dominante » de l’organisme, pas plus que le cerveau n’en est le « patron ».
Ernest, la lutte
victorieuse contre l’implantation d’une centrale nucléaire dans la région
du Pellerin, te donnera la possibilité de faire connaître la réponse des
distributistes.
Après plus de 20
ans, le projet fut abandonné. Curieux de tout, tu adorais notamment porter la
contradiction aux directeurs de banque.
En 2007, à 85 ans,
Ernest, tu rejoindras le groupe Libérons La Monnaie. Grand joueur
d’accordéon et amateur de bonne chair, tu y militeras joyeusement.
Avant l’inauguration de
l’exposition sur le travail d’une année autour du la nature et du rôle de la
monnaie dans la société, tu es venu à l’école.
Je me souviens de ta surprise, lorsque dans ma classe de CM1, tu as rencontré des enfants capables de démontrer la gratuité de la monnaie. Un directeur de banque invité quelques temps auparavant, lui aussi avait été étonné. Courageusement, il reconnut que l’université l’avait trompé sur la nature et le rôle de la monnaie.
Ernest, pour la première fois de ta vie, enfin, tu rencontrais un banquier reconnaissant la vérité.
La création monétaire
fragmente le corps social, en opposant en son sein, les professions dites
supérieures qui n’existent qu’en fonction de celles que l’on désigne comme
étant inférieures.
A ce sujet tu m’as
raconté au cours d’un entretien vidéo, un évènement survenu à l’âge de 7ans et
qui t’a marqué à vie. Ta mère te sortant si violemment de l’église, que ton
épaule en a été luxée. Tu avais recraché l’hostie collée au fond de ta gorge.
Envahie par la honte, ta
mère n’avait pas supporté le regard réprobateur des « gens de biens
» sur les « gens de rien ».
Quelques extraits de deux de tes articles publiés sur le site Libérons La Monnaie.
En 2015, à Macron,
ministre de l’économie et des finances :
« A l'ère de la
révolution techno-numérique, le chômage croît en même temps que les
productivités, tandis que la production augmente […] Le chômage de
masse n'est pas une fatalité,.[…] d'où la nécessité de sortir des sentiers
battus, […] ces esclaves mécaniques [machines et robots]
ne consomment pas la production pour laquelle ils ont été programmés […] la
dissociation du couple emploi-salaire ressort d'une évidence mathématique et
sociale […]
A l'ère des robots,
l'humain doit vivre d'une production socialement et utilement programmée sur le
travail d'esclaves mécaniques et/ou informatisés, et non en devenir l'esclave.
[…] La transformation du chômage par le partage des tâches non réalisées par
les robots, libérant ainsi de formidables quantités de temps dans les secteurs
où il y en a tant besoin : santé, vieillesse, agriculture bio, etc….
Ainsi, ces mesures
permettront de travailler moins et de travailler tous, […] avec pour
conséquence, d'arrêter le scandale de surcharge de travail pour les uns, au
point de se suicider, pendant que d'autres dépriment de ne pas pouvoir
s'investir pour l'intérêt général !
Nous aurons le temps de
nous occuper des enfants, des anciens…et d'accéder à des loisirs culturellement
enrichissants.[…] Ce socialisme authentique étendu à nos pays dits développés,
conduirait à l'arrêt du scandaleux gaspillage productiviste (par exemple,
l'obsolescence programmée des biens) ravageant la terre et les pays pauvres, et
permettrait d'aider leurs habitants à travailler et à vivre chez eux, pour
qu'ils n'aient plus à émigrer et à subir la violence extrême actuelle qui se
développe sur le terreau de la misère. »
Cité dans ton dernier article, Einstein affirmait:
"Le capitalisme...est...la source
réelle du mal ."
Dans ta centième année,
le 10 novembre 2022, la mort te surprendra en pleine possession de tes facultés
intellectuelles.
Peu de temps auparavant,
tu publiais: « Chance et relance »:
« Il appartient de créer … une monnaie de consommation, monnaie étant détruite dès le que le bien est consommé, tel un ticket de métro…Einstein aimait à dire qu’on ne peut solutionner un problème, en conservant les éléments l'ayant engendré...L’humanité s'acheminerait alors vers une un monde respectueux de l’environnement et de ses enfants...Dans cet esprit, nous proposons l’égalité des revenus dans le respect de l’environnement ».
On n’oubliera jamais ton énergie débordante et ton enthousiasme que le temps avait conservé intacts. Ils se manifestaient, entre autres, à la fin de tes interventions, par un :
« Que dire de plus ?»
Ci-dessous, liens des
articles d’Ernest Barreau et de Remi Drouet, publiés sur le site Libérons
La Monnaie :
avril 21 Chance et relance Ernest Barreau, résis...
avril 20 La retraite à l'ère des robots
janvier 1 Justice sociale ou Titanic économique
février 18 Le coût des milliards
avril 17 Revenu social ou chaos permanent ?
septembre 15 Un ancien résistant au ministre de l'économie
avril 13 Robots :la machine à vendanger n'achète pas de vin !
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