produit des valeurs marchandes
Adam Smith,
au 18ème siècle, premier grand théoricien de l’économie politique, a
déplacé le concept du profit, de la sphère du sacré à celle du sécularisé. Avec
lui, le profit, sans référence théologique, s’installe dans l’ordre naturel des
choses, dans une représentation mathématique du monde. Qui dit mathématiques,
dit logique sociale.
Le père de
l’économie politique, le gourou du grand patronat présent et passé, a réalisé
la prouesse de désacraliser le concept de providence divine en laïcisant la
marchandisation, initiée dès l’aube de l’antiquité, par les premiers
prêtres-rois. Les dogmes professés par l’Eglise, devenaient subitement des
vérités scientifiques fondées sur la raison.
Adam
Smith s’échina à élaborer une théorie mathématisant les rapports sociaux à
la façon de Newton, quant à la compréhension du système solaire. Il établit un
parallèle entre le monde et les sciences sociales. Il ne supportait pas l’idée
que les humains puissent échapper à une mécanique obéissant à un ordre
comparable à celui du monde physique. L’ordre voulu par dieu, mathématisé,
devenait de la sorte un objet scientifique apparemment rationnel et donc
irréfutable.
Dès 1776 Smith fait remarquer :
« Les
propriétaires, comme tous les autres hommes, aiment à recueillir, là où ils
n’ont pas semé ».
Smith a parfaitement fait la différence entre les
activités agricoles et industrielles, et les activités relevant du secteur
tertiaire : les services.
« L’ouvrier
de manufacture ajoute de la valeur à la matière sur laquelle travaille cet
ouvrier : la valeur de sa subsistance et du profit de son
maître ».
« Le
travail du domestique, […] ne crée aucune marchandise […] n’ajoute aucune
valeur à rien ; c’est un travail improductif, qui ne pourra jamais
enrichir celui qui l’emploie ».
« Un
particulier s’enrichit à employer une multitude d’ouvriers
fabricants ; il s’appauvrit à entretenir une multitude de
domestiques
Smith :
« Le
travail du domestique, au contraire, ne se fixe ou ne se réalise sur aucun
objet, sur aucune chose qu’on puisse vendre ensuite ». Ce constat vaut
pour l’ensemble des activités du tertiaire, en France, aujourd’hui, cela
concerne 90% des actifs !
Pour cette raison,
ils ne se prêtent à aucune mesure, permettant l’échange marchand, ni même
l’échange tout court. Contrairement à la croyance populaire, le travailleur du
tertiaire ne dépense rien, n’entame pas les ressources de la planète puisqu’il
ne produit aucune marchandise.
Les objets
constituant notre environnement matériel, du coton-tige à l’avion supersonique,
portent en eux une trace de travail humain. Les objets immatériels, pas du
tout. Sans cette trace qui sert à l’établissement des prix, pas d’échange, pas
de marché…
Toute
production, agricole ou industrielle, constitue une dépense pour les ressources
planétaires.
Le travail
du médecin, du prof, de l’architecte, du serveur de restaurant, du livreur,
nécessite des connaissances et des savoir-faire, puisés, uniquement, dans
l’atelier cérébral : lieu de la non
dépense, où tout se crée ex nihilo, sans aucune transformation de ressources
naturelles, sans aucune destruction de matières premières.
C’est
l’espace de l’immatériel, non mesurable, utilisable à l’infini. La production
d’un objet immatériel (un cours d’histoire, un diagnostic, un roman, un
film, un mail…) ne transforme pas le stock immatériel utilisé. Ce dernier reste
intact, indépensable…utilisable sans modération !
Et Adam
Smith, de nous donner une liste à la Prévert presque 300 ans après :
« Le
travail de quelques-unes des classes les plus respectables de la société, de
même que celui des domestiques, ne produit aucune valeur. […]
Le
souverain, par exemple, ainsi que tous les autres magistrats civils et
militaires qui servent sous lui, toute l’armée, toute la flotte, sont autant de
travailleurs non productifs. Ils sont […] entretenus avec une partie du produit
annuel de l’industrie d’autrui. […]. La protection, la tranquillité, la
défense de la chose publique, qui sont le résultat du travail d’une année, ne
peuvent servir à acheter la protection, la tranquillité, la défense qu’il faut
pour l’année suivante.
Quelques-unes
des professions les plus graves et les plus importantes, quelques-unes des plus
frivoles, doivent être rangées dans cette même classe : les
ecclésiastiques, les gens de loi, les médecins et les gens de lettres de toute espèce, ainsi que les comédiens, les
farceurs, les musiciens, les chanteurs, les danseurs d’Opéra, etc.
[…] Leur ouvrage à tous, tel que la
déclamation de l’acteur, le débit de l’orateur ou les accords du musicien,
s’évanouit au moment même qu’il est produit. Les travailleurs productifs
et les non productifs, et ceux qui ne travaillent pas du tout, sont tous
également entretenus par le produit annuel de la terre et du travail du pays.
Ce
produit, quelque grand qu’il puisse être, ne saurait être infini, et a nécessairement
ses bornes.
Suivant
donc, que dans une année, une portion plus ou moins grande de ce produit est
employée à entretenir des gens non productifs, plus ou moins grande, sera la
portion qui restera pour les gens productifs, et plus ou moins grand sera, par
conséquent, le produit de l’année suivante ; la totalité du produit
annuel, à l’exception des productions spontanées de la terre, étant le fruit du
travail productif ».
La propriété
intellectuelle fut inventée pour simuler la rareté : deux concepts
fondamentalement antinomiques.
On ne peut
se prétendre propriétaire de l’abondance illimitée et de la non dépense. Le
soleil brille pour tout le monde, si le côté le plus ensoleillé d’une rue est
plus cher, ce n’est pas pour acheter plus de soleil, c’est pour enrichir les
propriétaires. Le soleil, lui, ne vend rien.
Tout le
monde ou presque, croit que le tertiaire produit des marchandises. Cette
croyance est entretenue par les grands médias, les économistes orthodoxes, le
système scolaire… en omettant l’analyse de Smith sur le travail, ils continuent
malgré tout, contre vents et marées, à vouer une admiration sans borne, à Adam
Smith.
Et pour
cause…malgré le portrait très réaliste qu’il fait des relations de
subordination travailleurs-patrons, l’économiste philosophe mettra tout son art
à défendre ce système inégalitaire.
Pour Smith,
le travail produisant des biens matériels tangibles est la seule valeur,
autorisant l’échange des marchandises en nature ou sous forme monétaire,
donc :
« Ce
que chaque chose vaut réellement pour celui qui l’a acquise, […] c’est la peine
et l’embarras que la possession de cette chose peut lui épargner et qu’elle lui
permet d’imposer à d’autres personnes. […] Ce n’est point avec de
l’or ou de l’argent, c’est avec du travail que toutes les richesses du monde
ont été achetées originairement ».
Malgré tout,
il n’est pas question pour ce professeur de morale de crier haro sur les
dépenses fastueuses des élites.
TOUS LES
ARTICLES DU BLOG LIEN CI-DESSOUS :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire