par Alain Vidal
Un instit de banlieue à Gérard Depardieu
Ta fortune (120 millions €), comme tout
millionnaire, tu la dois à l’appauvrissement
d’une armée de salariés, notamment ceux des cités de banlieue !
En
effet, dans les entreprises, 40% des richesses produites par les salariés sont accaparées
comme profit par les actionnaires. Ces profits, investis, entre autre, dans des
productions cinématographiques, t’ont permis de toucher de fabuleux cachets.
Plutôt que
de servir à la croissance des services publics, ces richesses marchandes alimentent,
sous forme monétaire, un secteur de luxe réservé aux plus riches. C’est autant
de richesses gaspillées, de temps perdu, pour la création de postes d’enseignants, de
médecins hospitaliers, de postes dans les crèches, les centres culturels, dans les
bibliothèques, les dispensaires, les centres sportifs, les colonies de
vacances…sans oublier les intermittents du spectacle en situation précaire qui devraient
avoir le droit de vivre dignement.
Comment oses-tu prétendre que ta fortune est due à ton
travail ?
Sans les salariés dont 80% touchent moins de 2500 euros par mois, il t’aurait
été matériellement impossible de gagner en un an après impôt, 1 700 000 € (simulateur
ISF pour un revenu de 3 millions d’euros par an, ce qui est certainement au
dessous de ce que tu gagnes). L’équivalent de 140 années de travail pour un smicard !…
Tu
bénéficies tout simplement d’un système de vases communicants : pour
qu’une minorité s’enrichisse, les salariés sont ponctionnés de 70% des
richesses qu’ils produisent. Avant même toute déclaration au fisc, le salaire
net ne correspond qu’à 30% des heures
travaillées...[voir lien 1]
De la douche que tu prends à la caméra
qui te filme, en passant par ton scooter ou ton hôtel particulier, ton environnement
matériel (privé et professionnel), tu le dois essentiellement à 24 millions de
salariés anonymes (92% de la population active), sans lesquels, tu serais à la
rue : les travailleurs
de l’agriculture, de l’industrie et des services, peuvent se passer d’un acteur
de talent, mais le talent d’un acteur peut-il se passer d’eux ?
Avec ce système de prédation organisé et enseigné dans de
grandes écoles, une poignée de très riches cumule 5 fois plus de richesses que la
totalité des revenus des salariés réunis:
c’est l’enrichissement par l’appauvrissement. Dans une société dite
égalitaire, le salarié est lié à
l’actionnaire par un contrat de subordination défini en ces termes par le Code
du Travail.
A savoir, que l’argent
investi par les actionnaires (le capital) est remboursé par le travail des salariés, et quant
à leurs dettes bancaires (les intérêts sur le capital), elles sont répercutées dans les prix et donc payées par
les consommateurs ! Les actionnaires, en réalité, ne dépensent rien. Les
cotisations patronales, parlons-en ! En réalité, elles ne sont pas payées
sur les profits, mais sur le salaire super brut des salariés !!!
Comment me taire, lorsque, instit de
banlieue pendant tant d’années, j’ai été le témoin privilégié d’un
détournement de richesses qui réduit la durée des études, comme l’espérance de
vie… Le démantèlement des services publics est la condition de l’enrichissement
d’une minorité. Moins de fonctionnaires : plus de gens livrés au secteur
privé, réduits aux bas salaires dans la hantise du chômage…C’est l’intérêt général
sacrifié à l’hôtel particulier d’un
Depardieu.
Grâce à cette fortune accumulée, tu as investi,
tu es devenu producteur de films mais aussi propriétaire-actionnaire de
restaurants, de puits de pétrole, et j’en passe...C’est ce qu’on appelle
l’ascenseur social…Le Gérard Depardieu de Châteauroux obligé de protéger des prostituées
pour manger, semble avoir oublié que toutes ses galères, il les doit à de
grands actionnaires qui ressemblent comme deux gouttes d’eau au Gérard
Depardieu d’aujourd’hui…
Ces
richesses détournées, c’est autant de moyens qui manquent aux services publics,
pour aider des adolescents en difficulté à démarrer dans la vie. Pour ces
raisons, bien que ma carrière soit achevée, je reste
profondément instit de banlieue aux côtés
des habitants de ces quartiers, dans une dynamique de pratique solidaire
d’éducation permanente .
« L’argent que j’ai gagné je le
dois à mon travail », quelle naïveté ! Mais redescends sur terre !
Sans nier ton immense
talent, cet argent accumulé, tu le dois à la force de frappe médiatique conquise au
travers de tes rôles. Ton pouvoir d’influencer l’opinion publique est si
grand, que les décideurs politico-économiques
n’ont pas du tout intérêt de te voir
devenir contestataire appelant à une société de justice : on ne mord pas la
main qui vous nourrit si bien. Pour la même raison, les métiers à fort
potentiel d’influence sont particulièrement bien traités.
Mais tout le monde n’est pas Chaplin, lui qui fut
interdit de séjour pendant vingt ans aux USA, pour sa dénonciation du capitalisme,
dans sa vie comme dans ses films. Dans
« Monsieur Verdoux », il fait dire au personnage qu’il incarne "Guerres,
conflits, toujours les affaires. Un meurtre fait un bandit, des millions, un
héros. Le nombre sanctifie !" Pour un don de 2 millions de francs en faveur des
pauvres, lucide, Chaplin déclare : « je
ne les donne pas, je les rends» Il reconnaissait que cette somme, il ne l’avait pas gagné par
son travail. Chaplin, c’est le saltimbanque qui crève l’écran, faisant irruption,
tel Cyrano, en chair et en os, dans la vie des pauvres gens : Oui, merci
Charlot !
L’ours et l’aigle, s’ils étaient actionnaires, n’échangeraient
pas leur travail (stérile productivement parlant) mais le miel et l’agneau
volés aux producteurs, l’apiculteur et le berger. Certes, l’actionnaire
travaille, mais c’est une activité de prédation des productions effectuées par
d’autres. L’actionnaire développe des modes d’organisation élaborés, non pour
la prospérité de tous, mais pour ses seuls intérêts. L’actionnariat fait régresser
l’humanité. Le prédateur n’existe pas sans producteurs, par contre, les producteurs produisent
plus intelligemment sans prédateurs.
Tes exigences participent au maintien d’un système où de grands actionnaires offrent leurs
médias comme tribune à des politiciens triés sur le volet.
En guise de remerciements, une fois élus, les
parlementaires fabriquent des lois renforçant l’exploitation des salariés. Des lois qui,
par une dette bancaire illégitime, autorisent l’expropriation des petits
paysans et artisans indépendants. Une expropriation qui transforme ces gens en
chômeurs ou en salariés, les livrant pieds et poings liés à l’avidité des
actionnaires. Les politiciens décidant entre eux de leurs traitements,
il s’avère qu’une carrière politique réussie les place dans les 1% des plus
hauts revenus.Ce système t’a donné la grosse tête en te donnant l’illusion de
valoir autant que 1 700 smicards.
Une dernière preuve des effets pervers de l’avidité : à l’école
Buffon (ZEP de Colombes), lors s’une réunion de début d’année en 1993, un père
d’élève de ma classe faisait part de ses
difficultés à aider scolairement ses enfants. Sur ma proposition, nous avons
écrit une lettre à l’employeur du papa, Yves Calvet, patron de Peugeot-PSA. L’objectif :
obtenir des heures d’éducation permanente sur le temps de travail. Après
entretien avec le DRH, la réponse fut négative. Pas question pour les
actionnaires de perdre le moindre profit
en laissant un salarié récupérer une petite partie d’un temps pourtant dérobé.
De cette démarche, est née une proposition
de loi pour l’éducation permanente sur le temps de travail : que les
adultes puissent pleinement accompagner les enfants sur les chemins de l’Ecole [voir lien 2].
Ce n’est qu’une étape vers la réappropriation pour l’intérêt
général, d’un temps spolié par des intérêts particuliers, une
étape vers une société de travailleurs librement associés, dans le respect de
l’environnement et de la dignité de chacun. Une société dont tu découvriras les
lignes de force dans le lien ci-dessous, celui de l’association Libérons la Monnaie qui propose une loi
pour le contrôle public des banques avec une monnaie d’intérêt général, sans
intérêt privé. Une monnaie sans actionnaires, une monnaie solidaire…[voir lien 3]
Libéré de
cette addiction au luxe par une accumulation ostentatoire briseuse de vies,
ton talent s’exercerait alors en toute authenticité.
Alain Vidal (Nantes le 30-01-13)
Trois liens illustrant la lettre
1-70% de prélèvement avant le salaire net:
2- Proposition
de loi pour l’éducation permanente:
3-Ce que veut Libérons la Monnaie: