Dans un précédent
article (1) nous avions laissé le député Victor Hugo en juin 1848, rue de
Saint-Louis en l'Ile, commandant le feu contre des barricades tenus par des
chômeurs affamés.
Dans une
lettre au poète Ulric Guttinguer, à propos des révoltés de la faim, Hugo
s'exprime ainsi, « Les nouveaux doctrinaires du pillage et du vol sont
exécrables …. » Le 1er août 1848, l'écrivain lance
L'Événement, un quotidien pour soutenir la candidature à la présidence de
la république...de Louis Napoléon Bonaparte, le futur Napoléon III !!!
Le 28 août 1848, on y
lit, «...les pauvres n’eussent qu’une idée en tête : dépouiller les
riches », et en novembre 1848, « l'insurrection de juin est
criminelle et sera condamnée par l'histoire, comme elle l'a été par la
société...; si elle avait réussi, elle n'aurait pas consacré le travail, mais
le pillage. »
Le 9 septembre 1848, le
journal de Hugo prend la défense du « luxe », un luxe
« que calomniait la fausse philanthropie de nos jours".
Hugo y revendique très
précisément le fondement du capitalisme, le mécanisme de l'enrichissement par
l'appauvrissement.
Voyons ce texte.
« L'opulence
oisive est la meilleure amie de l'indigence laborieuse.
Qui est-ce
qui fournit à la richesse ce ruineux superflu ; cette recherche, ce colifichet
dont se compose la mode et le plaisir?
Le
travail, l'industrie, l'art, c'est-à-dire la pauvreté.
Le
luxe est la plus certaine des aumônes, c'est une aumône involontaire.
Les
caprices du riche sont les meilleurs revenus du pauvre.
Plus
le salon aura de plaisir, plus l'atelier aura de bien-être.
Mystérieuses
balances qui mesurent les plus lourdes nécessités d'une partie de la société
aux plus légères frivolités de l'autre !
Equilibre
étrange qui s'établit entre les fantaisies d'en haut, et les besoins d'en bas !
Plus il y a de fleurs et
de dentelles dans le plateau qui monte, plus il y a de pain dans le plateau qui
descend ! »
A ce propos , Paul
Lafargue, le gendre de Marx, écrira :
« Le gaspillage le
plus inutile et le plus ridicule devient une des voies mystérieuses de la
divine providence pour créer l'harmonie sociale, basée sur la misère besogneuse
et la richesse oisive. Jamais le luxe n'a été plus magnifiquement glorifié.
Lorsque l'Evénement, l'organe de la Fraternité hugoïste, publia son apologie du
luxe, deux mois à peine s'étaient écoulés depuis l'insurrection de juin, ce
"protêt de la misère" et le sang de la guerre civile rougissait
encore le pavé des rues. »
Le peuple, exproprié des
moyens de production par des lois votées par des politiciens, n'a plus qu'une
seule solution pour avoir un revenu, travailler, en grande partie gratuitement,
comme salarié, pour le profit des patrons, ou bien rester au chômage dans l'attente
de redevenir rentable pour les prédactionnaires...
Salariés ou chômeurs,
les appauvris doivent se tenir en permanence au service des patrons qui
rivalisent entre eux pour la plus grande fortune. Les lois écrites et votées le
sont, non pas pour l'intérêt général, mais pour l'intérêt patronal.
En ce
sens, Hugo est le digne héritier de la pensée de Voltaire, chantre de
l'apologie du luxe aux dépens des besoins fondamentaux du peuple, et ce, en
opposition radicale avec les prises de position de Rousseau .
Le grand patronat de la
presse et de l'édition a très bien remercié de son vivant le député-écrivain
qui les avait si bien servi contre les vélléités d'émancipation des ouvriers
parisiens en juin 48 et qui su pareillement, par la suite, endormir les
asservis.
Pour
services rendus à la grande bourgeoisie, Hugo avait accumulé une telle fortune
qu'il devint le 3e principal actionnaire de la Banque Nationale de Belgique.
A Paris, en 2012, à la Cité de
l’économie et de la monnaie, la banque a célébré
à sa façon l'événement, avec une exposition du portefeuille d'actions de
l'écrivain à succès...pour les 150 ans de la publication... des Misérables !!!
Ces banquiers n'ont pas
vu un seul instant la grossièreté que revêtait une tel étalage, quand on
connaît le principe capitaliste des vases communicants, celui de
l'enrichissement des actionnaires par le détournement du capital-temps du
peuple, de l'intérêt général vers des intérêts privés.
Qu'importe, le grand
patronat a toujours su reconnaître ceux qui, par leur talent d'écrivain,
d'artiste, de journaliste...l'ont aidé et l'aident encore, à garder le contrôle
de l'emploi du temps d'un peuple producteur de richesses prioritairement
destinées à une « élite » autoproclamée.
La
démagogie talentueuse de Hugo a été de faire s'apitoyer les gens sur la misère,
mais sans jamais remettre en question le mécanisme implacable de
l'enrichissement par l'appauvrissement .
La pitié, la charité,
mais en aucun cas l'appel à l'émancipation du peuple, car un peuple émancipé
n'accepterait plus de travailler une seule seconde pour le luxe d'une minorité,
n'accepterait plus de travailler une seule seconde pour l'intérêt patronal,
mais pour le seul intérêt général.
Quand « Les
caprices du riche sont les meilleurs revenus du pauvre. », comme le
prétend Hugo, chaque heure dépensée à produire le luxe, est une heure de
perdue pour la production de biens communs. Chaque
heure dépensée ainsi, est une heure de perdue pour l'instruction, pour la
santé, de tous...chaque heure dépensée pour le « ruineux
superflu » est une heure de perdue pour le développement non séparé du
corps et de l'esprit de tout un peuple.