dimanche 12 avril 2015

Hugo: que "les Misérables" travaillent pour les riches


Hugo :
Que "les Misérables"
                 travaillent pour les riches!
 par Alain Vidal






Dans un précédent article (1) nous avions laissé le député Victor Hugo en juin 1848, rue de Saint-Louis en l'Ile, commandant le feu contre des barricades tenus par des chômeurs affamés.
Dans une lettre au poète Ulric Guttinguer, à propos des révoltés de la faim, Hugo s'exprime ainsi, « Les nouveaux doctrinaires du pillage et du vol sont exécrables …. » Le 1er août 1848, l'écrivain lance L'Événement, un quotidien pour soutenir la candidature à la présidence de la république...de Louis Napoléon Bonaparte, le futur Napoléon III !!!
Le 28 août 1848, on y lit, «...les pauvres n’eussent qu’une idée en tête  : dépouiller les riches  », et en novembre 1848, « l'insurrection de juin est criminelle et sera condamnée par l'histoire, comme elle l'a été par la société...; si elle avait réussi, elle n'aurait pas consacré le travail, mais le pillage. »
Le 9 septembre 1848, le journal de Hugo prend la défense du « luxe », un luxe « que calomniait la fausse philanthropie de nos jours".
Hugo y revendique très précisément le fondement du capitalisme, le mécanisme de l'enrichissement par l'appauvrissement.
Voyons ce texte.
« L'opulence oisive est la meilleure amie de l'indigence laborieuse.
Qui est-ce qui fournit à la richesse ce ruineux superflu ; cette recherche, ce colifichet dont se compose la mode et le plaisir?
Le travail, l'industrie, l'art, c'est-à-dire la pauvreté.
Le luxe est la plus certaine des aumônes, c'est une aumône involontaire.
Les caprices du riche sont les meilleurs revenus du pauvre.
Plus le salon aura de plaisir, plus l'atelier aura de bien-être.
Mystérieuses balances qui mesurent les plus lourdes nécessités d'une partie de la société aux plus légères frivolités de l'autre !
Equilibre étrange qui s'établit entre les fantaisies d'en haut, et les besoins d'en bas !
Plus il y a de fleurs et de dentelles dans le plateau qui monte, plus il y a de pain dans le plateau qui descend ! »
A ce propos , Paul Lafargue, le gendre de Marx, écrira :
« Le gaspillage le plus inutile et le plus ridicule devient une des voies mystérieuses de la divine providence pour créer l'harmonie sociale, basée sur la misère besogneuse et la richesse oisive. Jamais le luxe n'a été plus magnifiquement glorifié. Lorsque l'Evénement, l'organe de la Fraternité hugoïste, publia son apologie du luxe, deux mois à peine s'étaient écoulés depuis l'insurrection de juin, ce "protêt de la misère" et le sang de la guerre civile rougissait encore le pavé des rues. »
Le peuple, exproprié des moyens de production par des lois votées par des politiciens, n'a plus qu'une seule solution pour avoir un revenu, travailler, en grande partie gratuitement, comme salarié, pour le profit des patrons, ou bien rester au chômage dans l'attente de redevenir rentable pour les prédactionnaires...
Salariés ou chômeurs, les appauvris doivent se tenir en permanence au service des patrons qui rivalisent entre eux pour la plus grande fortune. Les lois écrites et votées le sont, non pas pour l'intérêt général, mais pour l'intérêt patronal.
En ce sens, Hugo est le digne héritier de la pensée de Voltaire, chantre de l'apologie du luxe aux dépens des besoins fondamentaux du peuple, et ce, en opposition radicale avec les prises de position de Rousseau .
Le grand patronat de la presse et de l'édition a très bien remercié de son vivant le député-écrivain qui les avait si bien servi contre les vélléités d'émancipation des ouvriers parisiens en juin 48 et qui su pareillement, par la suite, endormir les asservis.
Pour services rendus à la grande bourgeoisie, Hugo avait accumulé une telle fortune qu'il devint le 3e prin­cipal action­naire de la Banque Nationale de Bel­gique. A Paris, en 2012, à la Cité de l’économie et de la monnaie, la banque a célébré à sa façon l'événement, avec une exposition du portefeuille d'actions de l'écrivain à succès...pour les 150 ans de la publi­cation... des Misé­rables !!!
Ces banquiers n'ont pas vu un seul instant la grossièreté que revêtait une tel étalage, quand on connaît le principe capitaliste des vases communicants, celui de l'enrichissement des actionnaires par le détournement du capital-temps du peuple, de l'intérêt général vers des intérêts privés.
Qu'importe, le grand patronat a toujours su reconnaître ceux qui, par leur talent d'écrivain, d'artiste, de journaliste...l'ont aidé et l'aident encore, à garder le contrôle de l'emploi du temps d'un peuple producteur de richesses prioritairement destinées à une « élite » autoproclamée.
La démagogie talentueuse de Hugo a été de faire s'apitoyer les gens sur la misère, mais sans jamais remettre en question le mécanisme implacable de l'enrichissement par l'appauvrissement .
La pitié, la charité, mais en aucun cas l'appel à l'émancipation du peuple, car un peuple émancipé n'accepterait plus de travailler une seule seconde pour le luxe d'une minorité, n'accepterait plus de travailler une seule seconde pour l'intérêt patronal, mais pour le seul intérêt général.
Quand « Les caprices du riche sont les meilleurs revenus du pauvre. », comme le prétend Hugo, chaque heure dépensée à produire le luxe, est une heure de perdue pour la production de biens communs. Chaque heure dépensée ainsi, est une heure de perdue pour l'instruction, pour la santé, de tous...chaque heure dépensée pour le « ruineux superflu » est une heure de perdue pour le développement non séparé du corps et de l'esprit de tout un peuple.