mardi 6 décembre 2016

De l'échec scolaire programmé


 
De l'échec scolaire programmé

 par Alain Vidal et Annie Mothes



         De la condamnation à mort de l'esclave sachant lire,
 à l’échec scolaire programméde tout temps,
les possédants ont sévèrement contrôlé l'accès des peuples au savoir.

1-Au 18ème siècle, Bernard Mandeville, premier théoricien du capitalisme :
« Pour que la société soit heureuse, et le peuple content même de son sort pénible, il faut que la grande majorité reste aussi ignorante que pauvre, Les connaissances développent et multiplient nos désirs, et moins un homme désire plus ses besoins sont faciles à satisfaire. »
Voltaire :
"Un pays bien organisé est celui où le petit nombre fait travailler le grand nombre, est nourri par lui, et le gouverne […] Il me paraît essentiel qu’il y ait des gueux ignorants. Ce n’est pas le manœuvre qu’il faut instruire, c’est le bon bourgeois […] Le bien de la société demande que les connaissances du peuple ne s’étendent pas plus que ses occupations. »
« Je vous remercie de proscrire l’étude chez les laboureurs. Moi qui cultive la terre, je vous présente requête pour avoir des manœuvres et non des clercs tonsurés. Envoyez-moi les frères ignorantins pour conduire mes charrues et pour les atteler. »
« Qu’il y ait des gueux ignorants. Si vous faisiez valoir comme moi un terre et si vous aviez des charrues, vous seriez bien de mon avis […] L’agriculture manque de bras, on n’a besoin que d’une plume pour deux ou trois cents bras. »
Vu l’influence de Voltaire, la Déclaration des droits de l'homme de 1789 est vierge de toute référence au droit à l'instruction.
2-L’Ecole de Jules Ferry
Jules Ferry :
« Il est à craindre que d'autres écoles ne se constituent, ouvertes aux fils d'ouvriers et de paysans, où l'on enseignera des principes totalement opposés, inspirés peut-être d'un idéal socialiste ou communiste emprunté à des temps plus récents, par exemple à cette époque violente et sinistre [la Commune]… comprise entre le 18 mars et le 24 mai 1871[…]
 Il y a deux choses dans lesquelles l’Etat enseignant et surveillant ne peut pas être indifférent, c’est la morale et la politique, car en morale et en politique l’Etat est chez lui.»
Paul Bert, ami de Ferry:
"Il faut que l'école attire l'enfant, qu'elle soit séduisante, agréable […] Il faut qu'elle soit ornée, ornementée, parée. Il faut enfin que nous faisions pour elle ce que nos pères faisaient pour leur église […]  Il faut une religion pour le peuple! une pensée unique, une foi commune pour un peuple, sans quoi il ne serait qu'une agrégation d'hommes juxtaposés; c'est ce que fera l'instruction civique. » Une pensée unique, le comble pour un libre penseur !
Jules Ferry:
«Une véritable religion de la patrie, une religion  qui n'admet pas de dissidents […]  c'est pourquoi l'enseignement de l'histoire est appelé à jouer un grand rôle éducateur »
Ernest Lavisse, historien fidèle de Ferry le grand maître de l’université:
« Il ne saurait donc être question d'enseigner l'histoire avec le calme qui sied à l'enseignement de la règle des participes; il s'agit ici de la chair de notre chair et du sang de notre sang […] ; l'histoire ne s'apprend pas par cœur, mais par le cœur [...] Faisons-leur aimer nos ancêtres les Gaulois et les forêts des druides, Charles Martel à Poitiers, Roland à Roncevaux, Jeanne d'Arc, Bayard, tous nos héros du passé, même enveloppés de légendes […].
Puisque la religion ne sait plus avoir prise sur les âmes […] cherchons dans l'âme des enfants l'étincelle divine; animons-là de notre souffle. Les devoirs, il sera d'autant plus aisé de les faire comprendre que l'imagination des élèves, charmée par des peintures et des récits, rendra leur raison enfantine plus attentive et plus docile»
Flaubert :
"L'instruction gratuite et obligatoire n'y fera rien qu'augmenter le nombre des imbéciles […] Le plus pressé est d'instruire les riches, qui, en somme, sont les plus forts »
 Un système éducatif organisé par ordres.  L’ordre de la Communale gratuite pour le peuple, l’ordre du secondaire, payant pour les enfants des notables et de la bourgeoisie, entrant au petit lycée dès l’âge de six ans. Entre ces deux ordres, un mur de l’argent, un développement séparé de deux jeunesses.
3-Aujourd’hui, tous les enfants vont en 6ème, mais avec des lois interdisant à leurs parents d’accéder tout au long de leur vie à l’éducation permanente.
Moins bien accompagnés sur le chemin de l’Ecole par les familles,  les enfants des classes populaires, se retrouvent majoritairement dans un échec scolaire ainsi sciemment programmé.