MOI, POLYTECHNICIENT ET GILET JAUNE
En septembre 2018, des élèves de grandes écoles, HEC, ENS
Ulm, Polytechnique, AgroParisTech, Sciences Po, lancent le manifeste « Pour
un réveil écologique »
Lien :
https://pour-un-reveil-ecologique.org/fr/
Extrait :
« Malgré les
multiples appels de la communauté scientifique (…) nos sociétés continuent leur
trajectoire vers une catastrophe environnementale et humaine (…) Le
fonctionnement actuel de nos sociétés modernes, fondé sur la croissance du PIB
(…) est responsable au premier chef des problèmes environnementaux et des
crises sociales qui en découlent. (…)
Nos systèmes idéologiques,
enfin, valorisent des comportements individualistes de recherche du profit et
de consommation sans limite, nous conduisant à considérer comme
« normaux » des modes de vie pourtant loin d’être soutenables. Nous
nous bornons au mieux à l’ignorance, au pire au déni. (…)
Deux options s’offrent
aujourd’hui à nous : poursuivre la trajectoire destructrice de nos sociétés (…)
ou bien prendre notre avenir en main en décidant collectivement d’anticiper et
d’inclure dans notre quotidien et nos métiers une ambition sociale et environnementale,
afin de changer de cap et ne pas finir dans l’impasse. (…)
Nous affirmons donc dans
ce manifeste notre détermination à changer un système économique en lequel nous
ne croyons plus »
A ce jour, ce manifeste est signé et par 33 488 élèves dont plus de 600 polytechniciens !
ClémentChoisne, Centrale Nantes 30 novembre 2018
Lien vidéo :
https://www.youtube.com/watch?v=3LvTgiWSAAE
Extrait:
« Comme bon nombre de mes camarades alors que la
situation climatique et les inégalités de notre société ne cessent de
s’aggraver que le GIEC pleure et que les êtres se meurent, je suis perdu,
incapable de me reconnaître dans la promesse d’une vie de cadre supérieur en
rouage essentiel d’un système capitaliste de surconsommation.
Si on simplifie quelque peu la situation un ingénieur serait celui qui doit
trouver des solutions aux problèmes qu’on lui pose.sans jamais remettre en
cause jamais ce qu’on lui demande. C’est pas son rôle, on ne lui demande jamais
son avis. »
« Je vous rappelle par exemple que nous, ingénieurs, sommes les
géniteurs de l’obsolescence programmée. Alors quand dans mon école le budget du
bureau du développement durable se voit amputé, quand la ville de Nantes
bouillonne d’idée et d’initiatives pour améliorer les choses et que mon école
est à la traîne…Quand sobriété et décroissance sont des termes qui peinent à
s’immiscer dans les programmes centraliens mais que de grands groupes
industriels à fort impact carbone sont partenaires de mon école, je m’interroge
sur le monde et le système que nous soutenons. Je doute et je m’écarte.
Je me rappelle avec amusement le discours de notre directeur quand je suis
arrivé en 2014 ce dernier nous a invité à prendre la parole à donner un rôle,
un vrai à l’ingénieur dans notre société, à faire entendre notre voix…
Eh bien, monsieur le directeur je prends aujourd’hui la parole pour dire
que je pense que vous vous trompez sur la vision que vous avez de la transition
écologique et les moyens que vous lui attribuez. »
Clément Choisne, 30 novembre 2018.
1er décembre 2018 Régis Portalez solidaire des gilets
jaunes
Régis Portalez est ingénieur en informatique, ancien élève de l'École
Polytechnique. 1er décembre 2018 il écrit :
« Lettre ouverte à mes camarades de promotion, à mes anciens, aux plus
jeunes de l’école polytechnique.
Le mouvement des gilets jaunes est à mon avis un mouvement pour la justice
sociale. Il est inacceptable que les “petits” payent pendant que les puissants
se gavent.
Quand on prend aux petits, il
faut prendre plus aux grands. Aucune théorie économique ne peut justifier le
contraire. Il en va de la cohésion du pays.
Le ruissellement n’existe pas. Ça ne marche pas, n’a jamais marché et ne marchera jamais.
Vous qui avez fait de la physique, vous savez que pour réchauffer une casserole
d’eau, il vaut mieux la chauffer par le bas avec plusieurs petites flammes que
par le haut avec un chalumeau. Et encore les molécules d’eau ne font pas
d’évasion thermique.
Vous qui avez été formés
gratuitement, et même payés, par la république, vous qui avez eu les meilleurs
professeurs et les meilleurs laboratoires du monde, votre devoir est de vous
engager.
Dans un mouvement politique, dans
une association, dans des conseils de quartiers, dans des syndicats, peu
importe mais engagez vous.
Engagez vous pour la justice
sociale, pour la réussite économique, sociale et écologique de notre pays. Et
pas pour celle de quelques-uns au détriment de tous les autres.
Ce mouvement des gilets jaunes
est largement dû à la sécession des élites, dont nous faisons partie, du reste
du pays. Les élites travaillent désormais pour elles seules. Elles ne
comprennent même plus les revendications populaires tant elles en sont
éloignées.
Nous en tant que polytechniciens,
nous devons soutenir ce mouvement, et d’autres, et tous ceux qui
viendront , car nous devons défendre la république.
Nous devons également laver la
honte des Tchuruk, Messier et autres, qui ont déshonoré notre école et son
histoire en se servant d’elle pour servir leurs intérêts propres et pas ceux de
la France.
Je ne vois pas de meilleur moyen
de le faire que de rejoindre le peuple dans sa lutte.
Samedi je serai aux côtés des
manifestants.
J’espère vous y voir
R.P
Le 1er décembre 2018, fidèle à sa
parole, revêtu de son uniforme d’officier polytechnicien, Régis Portalez
rejoint les Gilets Jaunes.
Lien :
Extrait de l’appel X-Alternative :
« Polytechnicien·ne·s, ce monde se meurt : engagez-vous !
La communauté scientifique dénonce unanimement
le caractère insoutenable du modèle de production de nos sociétés, mais nos
gouvernements se contentent de mesures insuffisantes au regard des enjeux,
quand elles ne sont pas purement de façade (…)
Soyons lucides. Nombre de
polytechnicien·ne·s se sont laissé·e·s entraîner dans ces logiques
mercantilistes devenues mortifères.
L’ « esprit d’entreprise » ou de corps, la foi dans le progrès technique et la
compétitivité les a rendu·e·s aveugles au désastre écologique et aux
souffrances sociales. Ils et elles ont servi ce système sans avenir ni vision,
accumulant parfois pour certaines et certains argent et pouvoir à leur seul
profit.
Aujourd’hui, nous disons
que nous ne pouvons pas continuer ainsi, ni collectivement ni individuellement.
Nous devons être les officiers de la République et refuser d’être les zélateurs
de l’argent (…) nous lançons un appel aux polytechnicien·ne·s à apporter leur
dynamisme, leurs compétences, leurs utopies au service d’une remise en cause
radicale de notre modèle de développement (…) en mettant à disposition de la
société des idées et des outils capables d’aider aux nécessaires changements de
cap (…)
Démocratie pleine,
transition écologique, République sociale, les enjeux sont immenses.
Camarades
polytechnicien·ne·s, il est temps de s’engager ! Dans ce monde qui se meurt,
jouons notre rôle. Nous pouvons redevenir des ingénieurs scientifiques au
service de l’intérêt général. L’urgence nous oblige, privilégions la politique
pour enfin mettre la technique au service du peuple (…)
La pleine égalité entre
citoyennes et citoyens (…)
Rejoignez-nous ! »
Interview de Régis Portalez par Aude
Lancelin:
Un texte de Régis Portalez paru dans Quartier Général,:
« Ce système est à
renverser »
https://qg.media/2019/12/15/ce-systeme-est-a-renverser/
Extrait :
« Ce monde se meurt (…) Il faut également savoir contre quoi on
lutte. Nos maux ne viennent pas de nulle part. (…) D’une part nous subissons
l’atomisation de la société, conséquence de l’application générale du
capitalisme. (…) tout lien social a été sciemment saboté pour se prémunir de
toute contestation (…) empêcher l’organisation populaire. Cadres en burn
out, Gilets Jaunes à découvert, longtemps nous avons pu penser que le mal
venait de nous-même, ou du chef, ou de l’entreprise ou d’un gouvernement ou
d’un autre (…) Les médias sont aux mains de l’oligarchie, les grandes
entreprises sont internationales et se servent elles-mêmes bien avant de penser
à l’intérêt général (…) C’est tout cela qu’il nous faut renverser (…) Continuons
l’exemple magnifique des Gilets Jaunes (…)
Le moment que nous vivons est une crise sociale et écologique face à
laquelle les gens veulent décider. Pas contribuer, ni débattre : décider.
Et pour pouvoir décider, il faut être informé et il faut pouvoir parler.
A l’échelle de Polytechnique, nous avons créé « X-Alternative » en 2019, initiative dont le but est de fédérer parmi les élèves
et les anciens ceux qui souhaitent changer les structures de la société en
faveur du bien commun.
J’appelle aussi de mes
vœux un nouveau syndicat démocratique, une caisse de solidarité pour les
victimes de la répression, une autre pour les lanceurs d’alerte, des journaux
ouvriers, des coopératives partout, de la liberté partout, de la démocratie
partout. Ces initiatives sont un commencement, elles sont appelées à être
l’avenir.
Liberté !
Régis Portalez »
Extrait :
« Plus de 600
polytechniciens ont signé le Manifeste étudiant pour un réveil écologique (…)
En signant ce texte
nous exprimons notre frustration (…)les structures existantes ne nous
permettent pas de nous engager pleinement dans cette voie. C'est pourquoi nous
nous disons prêts à sortir de notre zone de confort et à choisir nos employeurs
en fonction de leur prise en cause de ces enjeux écologiques. Nous avons eu
l'occasion de rencontrer beaucoup de dirigeants d'entreprises pour leur porter
ce message et nous constatons que ce sujet est trop souvent traité à la marge
et nous déplorons un manque
d'ambition face à l'enjeu (…)
Nous voulons travailler pour des entreprises qui prennent en
compte la finitude des ressources. Notamment en mettant en place des modèles
crédibles de sobriété, j'ai bien dit sobriété, pas efficacité, d'économie
circulaire et en refusant d'accélérer l'épuisement des ressources par des stratégies
marketing agressives (…) Nous voulons travailler pour des entreprises qui
repensent la finalité de leurs produits et questionnent leur utilité (…)
Nous, les étudiants et les jeunes engagés, nous sommes peut-être déterminés mais nous ne pouvons pas seuls changer les modes de consommation d'un pays tout entier. En effet, la prise en compte des enjeux du changement climatique et de l'effondrement de la biodiversité est une responsabilité commune.
Les actions individuelles, isolées, n'ont qu'un impact négligeable sur cet élan collectif vers l'autodestruction (…) nous ne nous considérons pas comme des utopistes mais comme des pragmatiques. Tout au contraire, l'utopie est du côté de ceux qui pensent que le "business as usual" peut se poursuivre calmement sur cette planète en plein bouleversement.
Il est devenu
très urgent de nous mobiliser massivement pour un changement et ne pas laisser
aux jeunes qui vont en hériter un monde invivable. Nous ferons partie de cette
mobilisation.
Mais ce que l'on ne veut pas c'est qu'en sortant de ce colloque vous
vous disiez les X se mobilisent, le problème est réglé. Pour que cette
mobilisation réussissent, il faut que vous aussi, enseignants, chercheurs,
dirigeants, citoyens, vous vous mobilisiez avec nous. »
Des agros qui bifurquent : le discours :
Vidéo et texte :
https://universiteouverte.org/2022/05/12/des-agros-qui-bifurquent-le-discours/
Extrait :
« Les diplômé·es de 2022 sont aujourd’hui réuni·es une dernière fois après trois ou quatre années à AgroParisTech.
Nous sommes plusieurs à ne pas vouloir faire
mine d’être fières et méritantes d’obtenir ce diplôme à l’issue d’une formation
qui pousse globalement à participer aux ravages sociaux et écologiques en
cours.
Nous ne nous
considérons pas comme les « Talents d’une planète soutenable »
[nouvelle devise d’AgroParisTech].
Nous ne voyons pas les ravages écologiques et sociaux comme des
« enjeux » ou des « défis » auxquels nous devrions trouver
des « solutions » en tant qu’ingénieures.
Nous ne croyons pas que nous avons besoin de « toutes les
agricultures » ;
Nous voyons plutôt que l’agro-industrie mène une guerre au vivant et à la
paysannerie partout sur terre. Nous ne voyons pas les sciences et les techniques
comme neutres et apolitiques. Nous pensons que l’innovation technologique et
les start-up ne sauveront rien d’autre que le capitalisme.
Nous ne croyons ni au développement durable, ni à la croissance verte,
ni à la « transition écologique », une expression qui sous-entend que
la société pourra devenir soutenable sans qu’on se débarrasse de l’ordre social
dominant. »
Discours d’une diplômée
d’HEC, la vidéo :
Après le puissant discours de huit diplômés
d’AgroParisTech en
mai dernier, des élèves et anciens d’HEC, se rebellent eux aussi.
Lors de la remise des
diplômes des promotions 2020 et 2021 le 9 juin dernier, devant un parterre
d’anciennes et d’anciens étudiants, de leurs parents et professeurs une
ancienne étudiante d’HEC, Anne-Fleur
Goll, a dénoncé la responsabilité du monde économique en matière de
biodiversité et de dérèglement climatique. Elle a appellé l’ensemble des
étudiants à s’engager dans les voies professionnelles en faveur de la
transition écologique, considérant qu’il en va de t de leur responsabilité de
changer les choses.
Discours d’Anne-Fleur Goll, extrait:
« Après quelques mois d’insouciance campusarde à HEC, j’ai ressenti
un profond malaise en prenant conscience que les métiers vers lesquels menaient
mes études étaient la principale cause de cet effondrement environnemental.
(…) J’apprenais à la fois le marketing et
l’impact de la surconsommation et du greenwashing, je voyais les mêmes
entreprises dans le Career Fair (événement où recruteurs et candidat se
rencontrent, ndlr.) et dans les classements des plus gros pollueurs. (…)
« Nous avons dans ces décennies de vie professionnelle
l’opportunité de marquer l’Histoire, d’arrêter de perpétuer un système
financier et commercial qui dépasse largement les limites planétaires et
stopper cette spirale qui va affecter l’Humanité pour les siècles à
venir »
Le manifeste « Pour
un réveil écologique » est signé dans 400 établissements actuellement mobilisés en
Europe.
A ce jour, 63% des élèves
des grandes écoles sont prêts à accepter des salaires plus bas si leur métier
est porteur de sens.
71% déclarent vouloir
travailler pour l’environnement, quant aux anciens, le pourcentage s’élève à
81% !
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