vendredi 15 juin 2012

Le Manifeste "Au delà de la Servitude"

 
Toute servitude nous fait locataires de l’héritage commun
 MANIFESTE
Au delà
de la
Servitude
du Code Noir au Code du Travail




Dans le cadre de la commémoration de la traite négrière,
de l’esclavage et de leurs abolitions,
dans le combat contre toutes les servitudes,
le collectif Au delà de la Servitude œuvre au dépassement des statuts
qui subordonnent l’intérêt général à des intérêts privés.
Toute servitude s’accompagne inéluctablement du contrôle,
par une minorité, des savoirs et savoir-faire
qui appartiennent au patrimoine de l’humanité.
Au passé comme au présent, la recherche de la  rentabilité pour le profit
a été et demeure le terreau des discriminations, de la xénophobie et du racisme,
L’objectif étant de  diviser afin d’empêcher l’extension des solidarités de base.
Le premier des droits de l’homme, celui de produire pour le bien commun,
 exige la libre circulation de l’héritage immatériel
de savoirs et savoir-faire accumulés depuis l’aube de l’humanité.

 De la résistance à l’esclavage à la résistance à la condition salariale, un même fil conducteur
      De Spartacus à la Commune de Paris, en passant par la résistance noire à l’esclavage, on relève une volonté d’échapper à une forme de travail dont la finalité est le profit d’un maître ou celui d’un actionnaire. L’organisation démocratique d’une société commence par  l’affirmation du droit des peuples à décider des productions matérielles et culturelles au nom de l’intérêt général.
Pendant des milliers d’années, les premières communautés paysannes ont ignoré le verrouillage des techniques par les brevets. La libre-circulation des savoirs et savoir-faire fondait les échanges sur le  temps socialement nécessaire à la production des marchandises.
Avec  des brevets sur les inventions de l’arc, de la métallurgie, de l’agriculture, de l’écriture ou de la monnaie, jamais les techniques et les sciences n’auraient progressé de la sorte.  
Après l’invention de l’esclavage, puis du servage, tout va basculer, les solidarités ancestrales sont remises en question, l’échange devient inégal. L’esclave, comme le serf, a le droit de cultiver la terre pour se nourrir à la condition de travailler la plus grande partie de son temps à enrichir le maître ou le seigneur. L’échange inégal, par la force ou par la ruse, c’est le vol du travail d’autrui. L’échange inégal  est un paradoxe.
Dans les maquis organisés par les nègres marrons ayant fui l’enfer des plantations, comme dans les espaces solidaires que sont les coopératives de production, on retrouve cette volonté de mettre en commun savoirs et savoir-faire afin que le travail de chacun bénéficie également au groupe. N’étant plus locataires de l’héritage commun, les hommes retrouvent leur  dignité.
Savoirs et savoir-faire sont mutualisés, si bien que le temps auparavant capturé pour le  profit du planteur ou pour celui des actionnaires, est  libéré, il est consacré à l’intérêt général, éducation, soins…Tout s’inverse quand les intérêts privés sont subordonnés à l’intérêt général. On passe ainsi du profit à la prospérité.
 Dans les plantations de canne à sucre, dans les entreprises, la priorité est à la rentabilité. Un esclave insuffisamment rentable est puni par le fouet, un salarié sera réduit au chômage.

1848, d’une servitude à l’autre, du Code Noir au Code du travail, de l’esclavage au salariat    
De fait, les abolitionnistes mettront en place une réglementation interdisant l’installation des noirs sur des terres en friches inoccupées. Loi contre le vagabondage, livret, passeport, amendes multiples. Pour acheter le timbre du passeport, obligation de travailler comme salariés sur les plantations des blancs. Les conditions de travail sont les mêmes, mais sans le fouet. 
L’héritage matériel et culturel accumulé pendant des siècles par les esclaves reste propriété du planteur. Il y a obligation d’utiliser une monnaie à intérêts privés, une monnaie d’ « endettement » qui limite drastiquement l’accès à une relative autonomie par l’achat d’un lopin de terre.
 Les planteurs, par contre,  remboursent leurs dettes aux banquiers avec les profits réalisés sur le travail des noirs salariés, approche très particulière du concept d’émancipation …
   Ce salariat, c’est celui qui, à l’époque, se met en place dans toute l’Europe. Sans le travail des salariés, les actionnaires ne feraient aucun profit.  

L'esclavage aboli, l'extension du salariat n'a fait  que moderniser la servitude en l'adaptant au progrès technique
Au-delà des considérations humanistes de certains, le passage d’un travail avec outils rudimentaires à l’utilisation de machines rendait impossible le maintien du producteur-esclave. Les actes de sabotage  étaient fréquents sous le régime de l’esclavage.
Une exception, dans des régions où la mécanisation est arrivée tardivement, comme en Afrique. Ainsi, l’esclavage pourtant aboli par la France en 1848, a été restauré sur les territoires de la République à partir de 1881, ce fut le Code de l’Indigénat. Cet esclavage déguisé qu’était le travail forcé, ne fut aboli qu’en 1946, à cette date, 70 millions de Français sujets de la République furent concernés.
La société salariale organisant la vente d’une capacité de travail, en échange  d'argent (le salaire), traite  la personne humaine comme une marchandise. Du marché aux esclaves au marché au travail, qu'on soit vendu ou qu'on soit éduqué à se  vendre, il y a toujours achat d'une force humaine  de travail.
 Et pourtant, notre dignité réside dans la maîtrise de cette force qui est le fondement de notre personnalité … Avec le salariat, le commerce des êtres humains s’est généralisé à l’ensemble de la planète. Peut-on espérer des droits, dits fondamentaux, dans un monde subordonné à des intérêts privés?
Le Code du Travail précise clairement que le contrat de travail constitue « un lien de subordination juridique » du salarié envers l’employeur. 
Le salarié s’engage à abandonner son libre-arbitre, son autonomie, son pouvoir de décision quant au choix des finalités de la production, finalités orientées ouvertement vers l’intérêt privé.
Le collectif Au delà de la Servitude répond à une exigence de globalisation des luttes pour le dépassement de toutes les servitudes y compris le salariat.

Pas de profit sans salariés, pas de salariés sans expropriation des petits producteurs indépendants
      Petits paysans et artisans sont inexorablement dépossédés par l’obligation d’utiliser une monnaie qui « endette ». Une « dette » qui n’est qu’un racket légalisé au profit du 1% des habitants de la planète qui se sont approprié ainsi 40% des richesses mondiales
Devenus chômeurs par expropriation, une seule solution se vendre contre un salaire. Avec le risque permanent de  redevenir chômeur… Chaque jour, 100 000 chômeurs meurent de faim, assassinés, sacrifiés sur l’autel du profit, 36 000 000 par an !
Le salariat est une construction sociale récente inventée par les possédants dans la deuxième moitié du XIXème  siècle pour générer les profits bancaires, industriels et commerciaux. Depuis 150 ans, les crises succèdent aux crises : plein emploi, chômage, plein emploi… Si les salariés du Nord sont globalement mieux traités que ceux du Sud, il n’empêche que 80 % des salariés de la planète n’ont ni droits dans l’entreprise, ni protection sociale. Contrairement à une idée reçue, ce statut est loin d’être la panacée. Et en Europe, à tout moment, un salarié qui se croit en sécurité peut se retrouver chômeur… 
 De même que le planteur choisissait un esclave, appelé commandeur, pour rentabiliser le travail des autres, les actionnaires nomment PDG un salarié pour orienter le travail vers le seul profit. Commandeur comme PDG ont des avantages considérables mais restent subordonnés au maître ou à l’actionnaire.

Le droit n’est pas la liberté
Sans le droit à la nourriture, au logement, à l’instruction… que sont les Droits de l’Homme ? Quand on perd le contrôle de sa capacité de travail, on perd sa dignité. Un concept synonyme d’autonomie, de libre-arbitre, d’émancipation, le contraire de mancipare, celui qui est acheté.
Esclavage, servage salariat, trois statuts avec des droits différents, mais avec un point commun, la subordination. Subordination au maître, subordination au seigneur féodal, subordination au seigneur du capital.
Certes, d’un statut à l’autre, un producteur jouira de droits différents, mais le droit n’est pas la liberté. Un prisonnier, privé de liberté, a des droits, un PDG a des droits mais il n’a pas la liberté de laisser l’entreprise  produire au nom de la prospérité générale au détriment des actionnaires.
Par contre, l’esprit d’entraide et de solidarité au nom de l’intérêt général,  on le retrouve dans les maquis de résistants ou dans les coopératives.
    Comment faire appliquer les droits fondamentaux, les droits à la libre circulation des idées et des hommes, si des intérêts privés subordonnent légalement, limitent, voire interdisent, ces mêmes droits. 
Quelles garanties pour 92% des gens dont les droits garantis  par la Constitution, dépendent dans la réalité d’un salaire subordonné aux seuls profits des actionnaires ?

Savoirs et savoir-faire ne s’échangent pas, ils se transmettent
     La liberté, la vraie c’est de disposer de l’héritage de savoirs et de savoir-faire légué par le travail de nos ancêtres depuis trois millions d’années. Cet héritage appartient au patrimoine de l’humanité. Il nous est confisqué sous l’appellation de propriété privée des moyens de production. Cet héritage, aujourd’hui contrôlé par une minorité, s’il redevenait un bien commun, nous ouvrirait les portes de la prospérité. Il suffirait de pousser, rien qu’un peu….
    Entre vendeur et acheteur, chacun donne et prend, par conséquence, l’inventeur ne peut pas vendre son savoir puisqu’il le conserve intégralement, il ne fait que le transmettre. Par contre, le boulanger perd le pain qu’il vend. Un savoir peut être utilisé par un nombre illimité de gens sans que l’inventeur perde son invention. 
    Contrairement aux biens matériels qui s’usent et se consument dans leur utilisation, les biens immatériels s’enrichissent dans leur circulation. Le marché de la connaissance  est un paradoxe, le savoir est inéchangeable car inappropriable.
   Les brevets ne sont que des taxes du même type que les taxes féodales tant décriées. Les brevets ne protègent pas l’invention, ils ralentissent  le progrès, ils permettent tout simplement, par le mécanisme de la taxation, d’enrichir illégitimement l’inventeur au détriment des  utilisateurs. Aucune invention n’étant possible sans l’utilisation du patrimoine de l’humanité dont nous sommes tous les héritiers, personne ne  devrait être privé des avantages de la recherche.

Une invention parmi les autres, la monnaie
   Formidable invention, la monnaie immatérielle appartient elle aussi au patrimoine de l’humanité. Depuis la fin officielle de la parité-or au siècle dernier, la monnaie relève du seul secteur des services. Pareille au sang qui transporte l’oxygène dans l’organisme, la monnaie facilite la circulation des richesses. De même que la rate productrice de sang, ne le monopolise pas au détriment des autres organes, les banquiers n’ont pas à conditionner la création monétaire à leurs intérêts privés. La monnaie est le sang du corps social, c’est notre bien commun à tous.
    La monnaie n’est pas une richesse, c’est la mesure des richesses produites à l’extérieur des banques.
   De l’or à l’ordinateur, d’un support matériel à un support immatériel, cette formidable invention n’a pas à être verrouillée par un brevet (les taux d’intérêts). Placée sous contrôle citoyen, la monnaie électronique gratuite à sa création, inaugurera un revenu universel aligné, non plus sur le temps de travail pour le profit, mais sur des quantités de productions matérielles répondant aux besoins des populations.
   Notre patrimoine mondial en savoirs et savoir-faire est si riche, les gains de productivité sont tels, que moins de 20 % de la population mondiale suffirait à produire tous les biens matériels (nourriture comprise) pour les particuliers, les entreprises et les Etats. 80 % de la population pourrait ainsi se consacrer à des activités immatérielles. Les services publics atteindraient une importance et un niveau jamais égalés.  

En conclusion
Nous pourrions enfin vivre la libre-entreprise, la vraie, avec des producteurs librement associés, utilisant l’héritage immatériel au nom du seul intérêt général, dans le respect des êtres humains et de l’environnement. 
Dans une dynamique de développement de banques sociales et solidaires, le dépassement du salariat après celui de l'esclavage et du servage, annoncerait véritablement  la fin  de l’Ancien Régime
. Le commerce des êtres humains définitivement interdit, inaugurerait l’avènement d’une démocratie économique respectueuse d'un écosystème dont chacun serait tributaire. 
  Au delà de la Servitude est un collectif  partenaire de  Libérons La Monnaie

Ils adhèrent au manifeste Au delà de la Servitude, le soutiennent et le font connaître 

Louis Sala-Molins, a été professeur de philosophie politique à la Sorbonne et à Toulouse. Ses travaux ont fait connaître le Code Noir dans le monde entier.
Olivier Le Cour Grandmaison, maître de conférences de sciences politiques et de philosophie politique à l’Université d'Evry-Val-d'Essonne. Spécialiste du racisme d’Etat, il a contribué à faire connaître le travail forcé, cet esclavage déguisé, inscrit dans le Code de l’Indigénat sous la Troisième République.

Vous désirez être informés de nos projets à Nantes et ailleurs, soutenir et signer le manifeste
au.dela.servitude@gmail.com


Lire les propositions de Libérons La Monnaie

 loi pour le contrôle des banques




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